Du projet d’étudiants au festival défricheur.
Le Coconut Music Festival, c’est au départ, une histoire de potes, fraichement sortis du lycée. Des potes qui veulent mettre un peu d’animation et de bonne musique dans la petite ville de 25 000 habitants qui les a vus grandir.
Tout commence en septembre 2008, à Saintes (Charente-Maritime). Amaury, Yann, Victor et les autres voudraient voir sur scène la musique qui les fait vibrer. Une musique éclectique, teintée de sono mondiale, de pop rafraichissante et de découvertes électroniques. Mais la scène locale leur offre peu de choix, en dehors du ska et du rock festif. Ils décident donc de lancer leur propre soirée : la Coconut Party. Dès le départ, la programmation est assurée par Amaury Ranger, actuel programmateur du festival et musicien membre, entre autres, de Frànçois and The Atlas Mountains (Frànçois Mary étant lui-même originaire de Saintes, tout ceci reste en famille). Budget : 350 euros obtenus du plan d’action jeunesse de la Région. Pour le lieu, ils dégottent la petite salle Geoffroy Martel : une salle de spectacles de seulement 88m2, 194 gradins (et 104 chaises en plastique), tout confort et sanitaires. Presque le paradis.
Cette salle, difficile à exploiter, ils tentent de l’incarner en la décorant de ballons de baudruche. Tous les anciens du lycée sont mis à contribution : Simon et Simon débutent dans le son et lumières, ils s’en chargent naturellement. Bambi et Charlotte sont étudiants aux Beaux-arts, à eux la déco. Que la famille. À l’affiche, This is the kit (déjà ! on la retrouve dans la programmation cette année), Kim, Angelo Spencer, et Ladybird, le groupe de Victor Crespi, aujourd’hui administrateur de l’association Coconut (une affaire de famille on vous dit). Parce que « l’essentiel c’est la com’ ! », les jeunes gens pleins d’élan tapissent d’affiches les murs de la capitale saintongeaise. Et réussissent à rameuter 250 personnes. Coconut est né.
Biberonnés au Cognac-Schweppes
Si les artistes ne sont pas payés bien chers, « on essaie de faire en sorte qu’ils se sentent bien, comme à la maison », commente Yann Baradeau, de l’organisation de Coconut. Et pour les accueillir dignement, le secret de Coconut c’est le cocktail local : le Cognac-Schweppes. Un cocktail-signature qui a fait tourner plus d’une tête. Lors de la deuxième Coconut Party, le batteur de Roken Is Dodelijk a succombé aux charmes de l’élixir charentais au point de ne pas pouvoir jouer et de repartir en ambulance… « Ils ont accusé la bouffe du catering trop épicée, mais on sait que c’est le cognac-Schweppes qu’il n’a pas tenu ! », s’amuse Yann Baradeau. Les Coconut Parties seront organisées deux fois par an entre 2008 et 2015. Leur meilleur souvenir ? Une nuit de folie de 2010 en compagnie de Le Loup et Lawrence Arabia, un public qui pète les plombs et une salle Geoffroy Martel qui devient électrique.
À partir de 2013, une nouvelle idée commence à germer. Pourquoi ne pas organiser un vrai festival, sur deux jours ? Et tant qu’à faire, pourquoi ne pas le faire dans le cadre somptueux de l’Abbaye aux Dames de Saintes ? À l’affiche de la première édition notamment : Black Angels, Brigitte Fontaine, Petit Fantôme, Zombie Zombie, Le Vasco… La météo est exécrable, la fréquentation catastrophique. Le festival est un échec financier. « On s’est rendus compte qu’organiser un festival, c’était autre chose que des petits concerts à Geoffroy Martel ! », avoue Yann Baradeau.
Musique pour tous
Le tournant pour Coconut, c’est 2014. Neuf mois avant la date du festival, Amaury Ranger booke une jeune chanteuse dont personne n’a encore trop entendu parler et qui n’a pas encore sorti d’album : Christine and the Queens. Mais la presse s’emballe, et la veille de son concert à Saintes la chanteuse passe en direct dans le Grand Journal. Un mélange de flair et d’une chance incroyable. Le festival commence à rentrer dans une autre dimension.
En 10 ans, Coconut Music a fait venir à Saintes : Amadou & Mariam, Rone, Metronomy, A-Wa, Mathieu Boogaerts, Anna Calvi, Zombie Zombie, Moodoïd, JC Satàn, Batida, Flavien Berger, Débruit, Témé Tan, Awesome Tapes from Africa, Hindi Zahra et Fatoumata Diawara, Acid Arab, Ata Kak et bien d’autres. Mais ce qui intéresse le plus le programmateur, c’est de faire naître des collaborations, comme l’an dernier cette création inédite entre les producteurs Jacques et Superpoze.
« Je préfère les collectifs, pour créer des ponts entre les artistes »
« Je préfère les collectifs, pour créer des ponts entre les artistes », commente Amaury Ranger. Alors plutôt que de faire venir un seul rappeur belge cette année, il en a commandé toute une Smala, en plus de Roméo Elvis et Caballero&JeanJass (en concert ce soir). Idem pour le label de musique électronique Ed Banger, qui proposera Busy P et Myd en b2b, et ramène le groupe 10LEC6 en bonus (sur scène demain soir). Et le reste de la programmation est toute aussi alléchante, de Kiddy Smile à Flavien Berger, en passant par The Mauskovic Dance Band, Halo Maud ou Johan Papaconstantino.
L’autre marque de fabrique de Coconut, c’est le grand écart entre une programmation exigeante et un événement grand public, familial et populaire. « Je veux attirer un public de curieux qui n’écoute pas spécialement de musique », défend Amaury Ranger. Avec un pass 2 jours à 35 euros, le parti-pris est clair. Coconut propose également une première soirée gratuite le jeudi, des activités et concerts gratuits pour les enfants en journée et un bal dansant le dimanche. Et comme tous les ans, l’équipe du festival s’est amusée à affronter les élèves de leur ancien lycée lors de matchs de volley pour leur faire gagner des places. Pour le programmateur Amaury Ranger, un festival entièrement gratuit, comme celui qu’il co-programme dans la commune de Forêt à Bruxelles, serait « une forme d’aboutissement ».
Coconut Music Festival, du 6 au 8 septembre à l’Abbaye aux Dames de Saintes.
Visuel (c) Max Chill / Coconut Music