Ailton Matavela (aka TRKZ) et Tiago Correia-Paulo rendent un hommage musical aux premières années de l’indépendance du Mozambique.
« Somos todos filhos do mar », répète, comme une litanie, un chanteur habité d’une énergie presque mystique. Quelle est donc cette formation mystérieuse, qui se produit sur scène entre ombre et lumière, au rythme d’une musique atmosphérique ? À l’Atlantic Music Expo au Cap-Vert au mois d’avril et à l’IOMMA, le marché musical de l’Océan Indien qui se déroule cette semaine à la Réunion, Radio Nova a rencontré Continuadores, ces enfants de la mer, et a souhaité vous les présenter, en attendant que vous puissiez les découvrir sur scène en Europe.
Né de la rencontre entre deux artistes Mozambicains, Ailton Matavela (aka TRKZ) et Tiago Correia-Paulo, Continuadores est un projet musical et visuel qui rend un hommage onirique aux premières années de l’indépendance de son pays.
Tiago Correia-Paulo est un artiste multi-facettes engagé dans de nombreux projets musicaux : de 340ml à Tumi and the Volume, en passant par A Million Things, un hommage au cinéaste Jean Rouch, et plus récemment, aux côtés de Bongeziwe Mabandla, pour lequel il a produit l’album Mangaliso. Aujourd’hui, il s’associe à son compatriote Ailton Matavela, pianiste, guitariste et chanteur aux performances vocales exceptionnelles, pour nous faire vivre l’expérience Continuadores.
Car il s’agit bien d’une expérience, scénographique, presque philosophique, un hommage onirique à l’histoire du Mozambique, où la musique compte autant que la manière de la partager avec le public. « Ce qui nous intéresse avant tout, c’est la performance et la manière dont transmettre la musique, comment la montrer sur scène. C’est presque comme du théâtre, mais un théâtre très musical car nous avons des instruments, nous chantons » précise Tiago.
Le projet s’inspire des idéaux de Samora Machel, premier président du Mozambique indépendant. Continuadores, c’est à l’origine le nom d’une organisation qu’il avait créé pour encourager les enfants à défendre leur culture, à promouvoir la solidarité et l’unité nationale. Il fallait donner une continuité à la révolution. Aujourd’hui, l’histoire se perd avec les nouvelles générations. Ailton ne parle pas la langue de ses parents (il y a plus de 11 langues au Mozambique) mais il parle anglais. « Le Mozambique est un pays très riche culturellement, mais c’est difficile de trouver ce qui nous définit en tant que mozambicains », explique-t-il.
Les artistes jouent avec l’idée de la nostalgie, des racines, et une volonté de défendre la culture mozambicaine, même si on est loin. Tiago, installé à Johannesburg, reste très lié à sa ville : « Quand je dois créer, je préfère retourner à mes racines, vers un endroit que je comprends. C’est la même chose pour les réalisateurs. Alfonso Cuaron par exemple, il peut faire un super film à Los Angeles mais si il veut réaliser quelque chose qui compte pour lui, un projet plus personnel, il retourne à ses racines, à Mexico City, comme avec Roma. Il y a quelque-chose de très romantique, de personnel, et j’ai cette même relation avec Maputo ».
Ce sentiment d’appartenance a été tragiquement ressenti récemment, suite au passage de l’ouragan Idai en mars dernier. Ailton était à Maputo, qui a été épargnée, mais il a vu les images de son pays dévasté. Beira, la deuxième ville du pays, et ses alentours ont été détruits à 90%.
« Tout le monde ne parlait que de ça, c’était très tragique. Rien d’autre ne comptait. Nous sentions que nous devions être solidaires. Ça nous a fait très peur, toutes ces familles qui ont tout perdu… Mais il y a un aspect positif, nous avons découvert que le Mozambique a de nombreux amis, qui nous ont soutenu et donné l’énergie de reconstruire. Savoir que nous ne sommes pas seuls, c’est ce qui nous reste. Tant qu’on a l’espoir, cela suffit pour avoir l’énergie pour reconstruire », raconte-t-il.
La quête de l’espoir, c’est un peu ce qui ressort de ces jeux de clair-obscur, que les membres de Continuadores proposent tant dans leurs paroles que dans leur scénographie et les visuels qui l’accompagne. Le chemin de la mort à la vie, et la nécessité pour chacun d’accepter sa part d’ombre pour pouvoir entrer dans la lumière. Une métaphore très romantique, à l’image d’Ailton Matavela et Tiago Correia-Paullo. Quant à nous, nous restons dans l’ombre jusqu’à la sortie d’un album ou leur venue en France pour un concert, qu’on espère prochaine…
Propos recueillis en avril 2019 par Bintou Simporé, à l’Atlantic Music Expo au Cap-Vert.
Visuel © Capture d’écran, « Balada dos Continuadores », Youtube, © Capture d’écran « Ouragan Idai au Mozambique et au Zimbabwe : un désastre humanitaire », Youtube