« Poème symphonique ». En 2019, voilà des termes qu’on ne croise pas souvent sous les feux de l’actualité. On pense davantage à Listz, Strauss ou Saint-Saëns – bref davantage à des spécimens du XIXe siècle – qu’à des contemporain.e.s lorsque ces mots sont jetés sur le papier ou l’écran.
C’est pourtant sous cette bannière que s’avance Muances, le spectacle de Camille Rocailleux et de la compagnie E.V.E.R. Une association dont l’ambition ne manque pas de panache : augmenter la forme du concert jusqu’à en faire le truchement où passe tout le désordre tumultueux du monde, ses bruits, ses agitations.
En équilibre sur le fil tendu entre grandeur et grandiloquence, les trois multi-instrumentistes exposent, explosent et explorent une dimension multimédia qui, loin de n’être qu’un simple effet de manche ou une concession faite à l’air du temps, accentue encore l’ampleur et l’intensité du propos.
Un propos en rhizome, pour se mettre au diapason d’Internet (qui vient de fêter ses 30 ans sous les huées de son papa Tim Berners-Lee), qui se retrouve aussi dans les mouvements incessants de ses acteurs, passant dans le clair-obscur des claviers analogiques aux cuivres, des percussions aux cordes. Les sonorités, elles aussi, naviguent : de l’indus à la ballade piano-voix en passant par le post-rock, le baroque, le free jazz et l’électro ; le tout entouré par des projections vidéos composant un grand patchwork d’images brutes et de métaphores. Bienvenue dans la Vidéosphère, en constante mutation, en perpétuelle interaction.
Et Nova Bordeaux vous offre le plongeon oreilles et tête les premières dans cette hyperbole humaine, dans cet environnement d’espoirs, de peurs et de musiques. Mais avant ça, il va falloir jouer de la souris, afin de désamorcer la sécurité, à l’aide du password Nova Aime (et non, ce n’est pas 1-2-3-4).