Entretien avec un activiste du voyage musical.
Jimmy Whoo est une vraie personnalité musicale, dans le sens ou elle est une identité déjà formée et revendicatrice. Le jeune producteur français vit sa musique comme un engagement quotidien. Dans la quête de nouveaux horizons de création, mais aussi au delà de ses compositions en ce qu’il oeuvre chaque jour dans un studio qu’il dirige, Le Grande Ville Studio, pour valoriser les créations de musiciens qu’il acceuille dans son antre à Montreuil. Mais Grande Ville est aussi un collectif, qui regroupe des musiciens comme la Cool Connexion (Jazzy Bazz et Esso), Myth Syzer ou encore Lonely Band. Chef de fil d’une vision de la musique à Paris, Jimmy Whoo vit pour et par la musique, et c’est la raison pour laquelle nous voulions le rencontrer afin de lui poser quelques questions.
En tant que Patron du Grande Ville Studio tu as un engagement musical à 360° cet investissement dans tous les aspects de la musique est important pour toi ?
Oui, c’est primordial pour moi. Monter le grande ville studio était un moyen de garder les deux pieds dans la musique,d’avoir un job fixe et d’en faire profiter les gens que j’aime.
Tu déclares faire de la « Motel Music », comment est ce que tu définirais ce registre musical, quelle est son identité ?
J’apprécie le côté éphémère du motel, c’est un endroit hors du temps. Plusieurs destins s’y rencontrent parfois pour une nuit ou pour une transaction, il se passe quelque chose de diffèrent dans chaque chambre. C’est souvent situé à côté d’une route, le flux du trafic est constant, je trouve ça très intéressant. J’en ai parcouru une trentaine ces derniers mois à travers les Etats-Unis et cela m’a beaucoup influencé. J’essaye de retranscrire cette ambiance dans mes sons.
Tu as récemment travaillé pour un EP entier avec Myth Syzer, comment se conçoit un projet à plusieurs mains comme celui-ci?
Avec Myth Syzer la collaboration s’est passé très naturellement, nous étions déjà amis et membres du même collectif ( GrandeVille).
Parfois il commençait un son (souvent par la batterie), je jouais quelque chose dessus ,parfois l’inverse. Nous travaillons beaucoup au feeling, sans règle pré-établie, une idée nous vient et on se met au travail.
Jimmy Whoo x Myth Syzer – I Know
Beaucoup de producteurs se livrent à l’exercice du remix et tu ne t’y prêtes quasiment pas, (ou pourrait davantage parler de réinterprétation chez toi, je pense notamment au morceau de Manu Chao) même si on sait que tu pratiques le sample tu préfères concevoir un morceau dans son ensemble ?
J’ai démarré par le sample et plus le temps est passé plus j’ai commencé à jouer réellement sur mes sons . Je ressens plus d’émotions en jouant qu’en samplant même si j’aime allier les deux par moments.
Pour ce qui est des remixes, à notre époque, je trouve que beaucoup en abusent sans réel amour, cherchant une certaine notoriété.
Je préfère faire ma propre musique pour le moment et faire chanter les gens que j’apprécie vraiment musicalement.
Jimmy Whoo x Myth Syzer – Mon Amour
Tu collabores aussi beaucoup avec Lonely Band qui œuvre dans un registre plus acoustique, tu cherches à te confronter à plusieurs registres de création ?
Lonely Band est comme un frère pour moi et nous partageons une même idée de la musique. On se retrouve respectivement dans ce que l’autre produit. Nous avons d’ailleurs fondé un groupe ensemble (Avenue) et préparons un projet. Je pense qu’il est important de ne pas se cantonner a un style musical mais juste produire son truc, son propre son.
Lonely Band – Hoes Instead of Hoes
A l’image de la musique de l’ère internet on sent que tu puises et recomposes avec tes influences, quelles sont-elles et comment te les appropries-tu?
Comme beaucoup d’artistes, mes influences sont diverses, elles sont autant musicales que cinématographiques. Je peux écouter Kleer comme Maria Callas , je revois les même films qui m’ont marqués :Taxi driver, Mean Streets, Heat etc le genre de film où tu applaudis car l’émotion est au maximum et les rapports humains puissants. Bernard Hermann est une référence pour moi en matière de compositeur pour le cinéma, il maitrise le « theme » et a beaucoup de style. J’aime aussi l’approche musicale qu’a Johnny Jewel le fondateur de Italians Do it Better. J’illustre souvent une scène imaginaire ou une situation fictive quand je compose un son. J’espère travailler pour le cinéma, un jour, quand mon heure aura sonnée.
Tu travailles actuellement sur un nouveau projet, comment y confère tu une cohérence et une couleur ?
Le projet s’appelle Motel Music. J’ai crée les sons un peu partout, sans vraiment réfléchir à ce que je faisais. Je me suis un peu mis à chanter sur mes tracks. Je crois que la couleur vient naturellement via les éléments que j’utilise régulièrement et les instruments que je choisis. Je travaille 100% à l’instinct & à l’émotion.
Le fait de travailler au quotidien dans un studio de travailler au contact d’artistes en permanence mais aussi d’être confronté aux aspirations de production différentes des tiennes ont-elles eu une influence sur ta façon de travailler ?
Je crois que inconsciemment à un certain degré on est tous influencés par ce qui nous entoure, mais le studio reste un job même si j’y entend 10h de musique par jour donc je ne suis pas dans la même optique que lorsque que je fais des sons ou ça doit être moment spécial, plus solitaire.
Vivre dans la musique est très rassurant pour moi, je ne pourrais plus jamais travailler dans un bureau.
Tu es aussi une des figures tutélaires d’un certain vivier musical à Paris, qui passe notamment par ton studio, quel regard portes tu dessus ?
Je pense que de plus en plus les gens veulent une carrière artistique ou une vie qui s’oriente vers l’art, c’est une bonne chose. Beaucoup inspirent à une vie de voyages,de tournées etc.. vivre de son art en règle générale, alors tout lmonde se bat car il faut travailler plus que les autres quand on est indépendant.