L’art des Bruits , manifeste futuriste
En pleine révolution artistique mondiale, vers 1910, après les Impressionnistes et Fauvistes français, arrivent les Expressionnistes allemands, les Constructivistes russes et…les Futuristes italiens . Ces derniers sont des modernistes passionnés.
Les Futuristes veulent peindre le mouvement, les villes, l’électricité, les avions, la vitesse et la frénésie moderne . Tout leur art tend vers les machines, la rapidité, la science, les progrès techniques, qu’ils considèrent révolutionnaires.
A Paris, Raoul Dufy peint une immense fresque pour le musée d’Art Moderne : La fée Electricité ! Il y a un élan vers les découvertes techniques, dites « magiques » !
Parmi les Futuristes, LUIGI RUSSOLO, délaissant la peinture, décide de se consacrer à la musique : il se passionne pour les sons, les bruits, la symphonie moderne des villes : rumeurs, foules, moteurs, usines .. et même bruit des combats !
MARINETTI, le leader des futuristes ( son manifeste date de 1909) leur écrit la guerre Turquie Bulgarie ( 1912) en terme de spectacle, d’opéra, de mise en scène totale, avec sons, lumières et déflagrations. Son credo est la Vitesse !
De son côté, Russolo est convaincu que les 7 ou 8 notes de la musique occidentale sont dépassées, que les instruments sont poussifs et que les harmonies classiques, recomposées mille fois, ne sont qu’ennui et inadaptées au monde moderne.
Les futuristes ont déjà fait paraitre (en plus des expositions) un manifeste de la peinture futuriste et aussi de la musique futuriste et de la poésie…Il va donc écrire à son tour un texte définitif, court et explicatif de sa vision de la nouvelle musique.
L’ART DES BRUITS sort en 1913 et contient l’essentiel de sa démarche : il existe des vents, des pluies, des orages, des véhicules, des foules, des rassemblements, des nouveaux matériaux, des techniques qui créent des sons.
Sans le savoir, Russolo est en train de poser les bases de la MUSIQUE CONCRETE.
Tous les bruits peuvent être recréés et harmoniser pour le concert MODERNE.
Avec son ami Ugo Piatti, ils fabrique carrément des INTONARUMORI, de véritables BRUITEURS, des boites avec haut-parleurs, manivelles et leviers. En 1914, premier concert à Milan. Au programme , « Reveil d’une capitale » ou « Congrés d’automobiles et avions », « Diner à la terrasse du Casino ».
Il déclenche émeutes et scandales, avec des bruits de vaisselle, de robinets , des sifflements, cliquetis, ronflements, claquements, rires, glouglous, et mêmes des hurlements, des sanglots et toutes sortes de percussions expérimentales.
En 1921, après la guerre, Russolo donne enfin ses récitals à Paris, au théâtre des Champs Elysées, pour 27 bruiteurs et orchestre. Dans la salle : Paul Claudel, Manuel De Falla, Diaghilev, Mondrian, Maurice Ravel, Igor Stravinski ou Tristan Tzara…
Le RUSSOLOPHONE sera son orgue à bruits et sa démarche est reconnue. Plus tard, dans les années 50 , Pierre Schaeffer, Pierre Henri, John Cage ou Varese lui rendront hommage. Il a inventé un type de notation musicale encore utilisé.
Mais les futuristes aimaient un peu trop la guerre, ce son et lumière titanesque, et leur penchant pour les fascistes – au contraire de Russolo qui fut exclu du mouvement – les a fait mettre au ban de l’histoire.
Il n’empêche que leur génie plastique et optique, et leurs études sur le mouvement et sur les ondes provoquées par la vitesse étaient prémonitoires. Russolo est mort seul et oublié en 1947.
Aujourd’hui, la musique bruitiste, électronique et industrielle sont les parentes directes du travail et des idées de l’ART DES BRUITS de Russolo. Le groupe contemporain allemand Einsturzende Neubauten ne l’a pas oublié.
Les éditions Allia ressortent le manifeste de Russolo, avec des images.
A suivre donc…
L’Art des Bruit . de Luigi Russolo . 45 pages + photos d’époque + historique
6 euros 50 . Editions ALLIA .