L’artiste américano-norvégienne mystérieuse charme avec ses quelques titres bruts de folk lo-fi.
Au départ, il y a eu ce morceau, Durer, qui signifie « fredonne » en norvégien : une collaboration avec le groupe génial et fou Adult Jazz, des arrangements minimalistes simplement là pour soutenir une voix qui chante en norvégien. Avec cette chanson, Okay Kaya vous cloue le coeur, et on se demande pourquoi cette langue nordique n’est pas mainstream, tant elle paraît à ce moment là universelle. Suite à ce frisson, impossible de ne pas se demander : mais qui est cette fille ?
Car Okay Kaya n’a sorti aucun album, ni EP, et pourtant, elle a été choisie pour faire les premières parties de Leon Bridges et de Tobias Jesso Jr, elle a travaillé avec Jamie XX (pour le ballet contemporain The Tree of Codes) et Rodaidh McDonald (producteur de King Krule, the XX et Sampha), tout en ayant été repérée par XL Recording qui l’a signée sur son label Hot Charity Recordings. En revanche, s’il n’y pas d’album à l’horizon, elle a sorti ces derniers mois plusieurs clips soignés où cette voix devient visage : dans Damn Gravity d’abord, puis avec le clip de Durer et enfin avec Keep On Pushin (qui a eu le temps d’intégrer la frénésie Pokemon Go).
Elle pourrait être une Lana Del Rey de la côte Est, sans aucune minauderie et trémolo, il ne resterait que la mélancolie pleine d’échos, une grande vulnérabilité qui fait de la scène un moment pénible, et des paroles comme “You never, never loved me like you should » (sur Clouds) ou un titre comme I’m Stupid, I Love You. Pas étonnant si ses amis la désignent par cette étiquette, celle de « sorrowriter », d’auteure de la peine.
Devant tant de mystères, quelques éléments factuels sont nécessaires : Okay Kaya – de son vrai nom Kaya Wilkins – est née dans le New Jersey d’un père américain et d’une mère norvégienne. Elle a grandi sur la péninsule de Nesoddtangen, pas loin d’Oslo, avec sa mère peintre qui écoutait Myriam Makeba, Aretha Franklin et Cypress Hill. Ce n’est qu’à l’adolescence qu’elle se mettra au folk, au rock et elle flirtera un temps avec la scène punk locale. Elle se mettra à la guitare en autodidacte pour accompagner son frère, membre d’un groupe de métal, avec qui elle reprenait des chansons du groupe norvégien Satyricon. Aujourd’hui, elle cite comme inspirations Otis Redding, Billie Holiday, PJ Harvey, Nick Drake, Miriam Makeba, The Velvet Underground et Arthur Russel.
Ce n’est qu’à 18 ans qu’elle quitte la Norvège pour New York. Elle y démarre une carrière de mannequin, mais s’ennuie rapidement. Seule, la nuit venue, elle décide donc de se mettre à écrire des chansons. A la fin de l’année 2014, elle met en ligne une mixtape pour ses amis (ça commence toujours comme ça) enregistrée dans sa chambre. Son style y est déjà défini dans ses grandes lignes : production folk lo-fi, une voix juste mais pas encore très assurée, et des chansons qui parlent de mélancolie et d’amour.
Dans les rares interviews en ligne disponibles, elle minimise constamment ce qu’elle fait, explique qu’elle ne connaît pas encore ses projets, qu’un album est en cours mais qu’elle ne sait pas quand il sortira. Modestie ou timidité, il est intriguant de voir à quel point ses projets sont peu clairs dans sa tête alors que les rares titres sortis depuis un an sont si cohérents. Incroyablement dans le présent, on espère que Kaya pense à nous pour l’avenir, parce que nous, on l’attend.