Le parrain du Punk.
Voici un livre qui peut vous sortir de la torpeur envahissante de l’été. Une biographie détaillée d’Ian Dury , intitulée, sous le patronyme Sex&Drugs &Rock&Roll, vie et mort du parrain du Punk.
Traverser les modes. Les refuser toutes
Ce personnage inoubliable que fut Ian Dury, si complet, si en avance, image unique d’un enfant qui aura traversé toutes les modes et emballements de l’Angleterre d’après-guerre, tout en les refusant les unes après les autres.
Fan absolu de Jazz, Ian Dury va flirter avec le Skiffle, le Rockabilly, les Teddy Boys, le British Blues, le Glam Rock, le Pub Rock, et enfin le Punk, mais mâtiné de Ska, Reggae, Funk, Soul ou de piano bar… si vous suivez !
Comment, né en pleine guerre (1942), sous les bombes du Blitz, puis frappé de poliomyélite en 1949, ce suractif, surdoué a pu enchainer autant de passions et tout cela à partir de peinture et d’école d’Art ?
Issu de milieux mélangés (mi-bourgeois, mi-populaire), le rapide et déluré Ian, va se trouver à cause de sa maladie (atrophie d’une jambe), catapulté dans la jungle des écoles pour handicapés et autres institutions ou les mauvais traitements peuvent venir autant des profs que des élèves.
Ian Dury : une oeuvre plastique ?
Rendu amer et irascible, il va passer par l’Art et la culture Jazz pour se refaire une santé mentale et un courage physique, et affronter le monde.
Autant vous le dire : j’aime beaucoup Ian Dury, personnage théâtral, inspiré, malicieux, sexuel, poète clochard survivant de Dickens, mais aussi un être absurde, comme dans le théâtre de Beckett, semblant aussi un spectre de l’opéra de 4 sous (de Bertold Brecht et Kurt Weill) et enfin un charlot punk, artistique et doué, générateur de « Groove »…
Passé par école d’Art, dessin et peinture, Ian Dury a le coup d’œil et le style, il est lui-même une sorte d’œuvre plastique, fashionable, ou se télescopent paillettes, rimmels, épingles à nourrice, jeans et tuxedo !
Plus vieux de 10 ans que ses neveux Punks (Pistols, Clash…) il a aussi pas mal d’avance, lui qui fut Rockab puis Ted, puis Pub Rocker, il représente beaucoup (je le considère comme proto glam / il serait furieux de ça !)
Mais surtout il sait écrire, il a une vision du monde, une force qui vient du rejet qu’il subit, à cause de son handicap. Humour, dérision, coups de gueule cockney, mais tout ça subtil, dosé, charmeur et teinté d’allusions sexuelles !
Le cocktail Dury est fort, explosif et rare : « Sex and drugs and Rock and Roll » deviendra un tube, comme « Wake up (and make love to me) », ou « Clever Trevor » (ou clevor trever), ou « Hit me ! » (with your Rythm Stick)… Ian Dury à le sens de l’image, du slogan, des mots qui touchent.
Pour tous : une référence méconnue
Ses noms de groupes : Kilburn and the High Roads ( des 1970 !) ou The Blockheads (en 1977) montre sa détermination et sa différence. Il va inspirer le Punk à Malcolm Mac Laren, servira de modèle à Johnny Rotten, attirera avec lui des gens comme Wilko Johnson de Doctor Feelgood…
Mais avec les strates de tout ce qu’il a vécu, il inspirera bien plus que quelques groupes. Il reste une référence pour beaucoup de musiciens, pas qu’Anglais.
Regardez le sur le net, écoutez sa voix voilée inimitable et ses looks d’enfer. La pochette de New Boots and Panties, photo noir et blanc avec lui et son enfant est une icône (entre le Kid et Diane Arbus), car il y a de l’expressionnisme chez cet artiste, si injustement méconnu.
Ses frasques, ses excès, ses errances et ses tyrannies, allant de pair avec un penchant autodestructeur certain, n’enlève rien à un être hypersensible, créatif, droit et fidèle, ne se pliant à aucune règle et rétif à tout marketing !
Comme quoi , même le Rock a du mal avec l’apparence et les mauvaises manières, et il a fallu la rage et l’Art du Punk pour « exhiber « enfin cet être exceptionnel et irremplaçable, qui n’avait pas peur de grand-chose.
Ian Dury. Sex & Drugs & Rock & Roll. Vie et mort du parrain du Punk. Par Jeff Jacq (préfacé par Pierre Mikailoff). Editions Ring. 300 pages .22 euros
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