Le musicien et chanteur sud-africain s’en est allé. Nous lui rendons hommage.
On le surnommait le « zoulou blanc », véritable icône nationale dans son pays d’adoption, lui qui avait combattu le régime de l’apartheid, en Afrique du Sud, en proposant au monde une pop afro qui militait pour le partage, l’égalité entre les peuples, la bonne entente entre les communautés. Johnny Clegg a remporté une guerre fondamentale contre le racisme durant toute sa carrière, mais a cédé, ces dernières heures, devant celle qu’il menait depuis plusieurs années contre le cancer. À 66 ans, il s’en est allé.
Fugue et liberté
Natif de la région de Manchester, au Nord de l’Angleterre, Johnny Clegg passe, jeune enfant, quelques années en Rhodésie du Sud (actuel Zimbabwe) et en Zambie avant de s’installer durablement à Johannesburg. Adolescent blanc dans un pays qui ne mélange ni les gens, ni les couleurs, Johnny supporte mal l’apartheid local, se lie d’amitié avec des Noirs, fugue durant trois semaines en territoire zoulou. Sa famille est blanche et aisée, et lui isolé : il traîne dans les rues, apprend à jouer de la guitare à quinze ans, rencontre un musicien zoulou qui lui enseigne les rudiments de sa musique et l’accompagne dans des endroits que les Blancs, en Afrique du Sud, ne sont pas censés voir. L’apartheid devient très concret. Il passera sa vie à en combattre l’idée, via l’une des armes les plus efficaces qui soit : l’art, et en l’occurrence, la musique.
De Juluka à Mandela
Il rencontrera bientôt Sipho Mchunu, avec qui il fera la tournée des foyers de travailleurs migrants, et sortira plus tard, en 1976, un premier album Woza Friday (Come Friday), qui pose les bases de ce qui deviendra la marque de fabrique de Johnny Clegg : des mélodies pop anglo-saxonnes associées aux rythmiques zoulous, et le tout chanté en Anglais, afin que chacun puisse comprendre ce message : l’apartheid, en Afrique du Sud, certains n’en veulent plus. Le duo divise, réunit, fait parler de lui. En 1979, devenu Juluka, le groupe voit son album Universal men censuré en Afrique du Sud. Infiniment provocateur, le disque narrait en effet le parcours d’un travailleur zoulou confronté, de manière frontale, au régime de l’apartheid et à ses pratiques racistes.
« Africa », le single de l’album, deviendra le premier classique du groupe et donc de Johnny Clegg, et un hymne pour tous ceux qui pointent désormais l’Afrique du Sud du doigt, et présentent le pays comme celui où la révolution doit débuter.
D’autres succès, nombreux, suivront, sous la coupe Juluka d’abord (l’album African Litany et le hit « Impi », l’album Scatterlings of Africa en 1982…), puis sous celle du groupe mené avec Savuka après le départ de Sipho. Sur Third World Child, l’album du nouveau duo, on trouve notamment le titre qui deviendra son tube le plus célèbre, « Asimbonanga (Mandela) » (qui veut dire « nous ne l’avons pas vu » en langue zoulou), succès planétaire dédié à Nelson Mandela, alors prisonnier sur l’île de Robben Island en Afrique du Sud. Le futur président sud-africain qui viendra même, un soir de 1999, interpréter le titre avec Johnny sur scène…
D’autres albums suivront, des tournées mondiales (et en Afrique du Sud notamment, où il n’a jamais cessé de jouer), des hommages émanant de toutes les langues et de tous les continents. En France, Serge Gainsbourg lui avait par exemple dédié le morceau, resté inédit, « Zoulou ». Il y aussi ce morceau devenu hymne de la Coupe du monde de football en Afrique du Sud en 2010, « Ibhola Lethu », qui racontait la ségrégation dans les stades durant l’apartheid. Le statut de légende de Johnny Clegg n’a jamais faibli malgré une absence constatée depuis 2015 et le Final Journey World Tour, la tournée mondiale qu’il avait débuté après la découverte de ce cancer du pancréas qui aura fini par l’emporter.
Aujourd’hui, nous rendons hommage à Johnny Clegg via une playlist concoctée par la rédaction qui revient sur la carrière de ce véritable héros de la pop sud-africaine, et d’une idée toute simple : celle d’une certaine vision de la fraternité.
À réécouter également, la venue de Johnny Clegg dans le Néo Géo de Bintou Simporé à l’occasion de la sortie de l’album Human, que le sud-africain était venu nous présenter en 2011.
Visuel © Getty Images / Eric Robert