Cinquante ans d’aphorismes urbains racontés dans Plus Près De Toi.
Souvent perçus comme des vandales, parfois vu comme des artistes, les graffeurs et tagueurs sont marginaux, les blazes s’enchainent sous les yeux des passants, et pourtant.
Dans un livre paru aux Éditions La Découverte – Tiens ils ont repeint ! 50 ans d’aphorismes urbains de 1968 à nos jours – Yves Pagès a recueilli près de 5 000 textes émanant de graffiti à la poésie plus ou moins certaine. Du poétique au politique, du drôle au vif, le street-art de ceux qui ont des choses à dire. Tel un collectionneur, un traqueur, l’écrivain tient cette passion de sa mère qui s’amusait, il y a plus de 50 ans déjà, à noter ces phrases, ces mots collés aux crépis des chaussés.
Ce qui intéresse Yves Pagès, c’est le texte, mais aussi le lieu. Dans les toilettes où des discussions sans fin voient le jour, où des messages sont véhiculés. « Dieu existe-t-elle ? » ou encore « Votez Pipi ! » Lassés de voir leurs textes se faire repeindre, effacés sous une énième couche de peinture, les graffeurs s’essayent depuis peu aux trottoirs, phénomène plus neuf : les murs ne sont plus les seuls toiles.
Yves Pagès, dans son livre, trace aussi une histoire et une chronologie du graff. Il y décrit le fait que de plus en plus d’auteurs sont répertoriés, « l’anonymat se fait sous pseudo » nous dit-il, conséquence logique de l’apparition des réseaux sociaux, presque plus de signatures que de textes, vouloir marquer un lieu de son nom, son passage, son moment, la gloire territoriale, des citations arrachés à leurs auteurs d’origines.
Il définit également le lien extrêmement étroit entre mouvances politiques, évènements sociétales et vagues de créations de tagues. Il voit aussi une jonction entre le vote politique et le « scripteur mural ». Pour lui, cette partie silencieuse dans la voix mais crieuse dans la bombe de peinture à une forte tendance à l’abstention ou au vote nul.
Dans son ouvrage, Yves Pagès nous décrit donc ce phénomène plus si jeune, hué au quatre coins de France, cette tentative d’expression trop souvent balayée d’un coup de pinceau gris. Le graffiti comme système d’éloquence, c’est à lire aux éditions La Découverte.