El Chanti
Un chantier comme on les aime, un peu brouillon mais tellement créatif, ça s’est passé à Tunis et au Kef le 13 mai dernier, une rencontre entre artistes des deux rives de la mare nostrum, un pont sur la mer pour réinventer une humanité, un Tout-Monde comme nous l’avait présagé le poète Edouard Glissant.
Après Le Caire, Alexandrie, Beyrouth , c’est à Tunis et au Kef que la caravane s’est posée pour partager , créer et nous donner à voir des spectacles qui mêlent chant Soufi incarné par l’immense Mounir Troudi accompagné d’Erwan Keravec à la cornemuse et rythmé par Wassim Hallal. Une claque magistrale et bienveillante où la cornemuse d’Erwan comme un tapis volant sur lequel la voix de Mounir se pose ponctuée par les percussions de Wassim.
Le ton est donné dés le début de l’aventure avec monsieur le professeur Youssef Seddik, « appelez –moi Youssef » me dit-il quand je m’entretenais avec lui sur l’époque et ses tourments. Philosophe, anthropologue de la Grèce antique et du Coran, sa présence et sa pensée seront le phare de la manifestation.
La création dans toute sa spendeur avec la rencontre du Stambéli (cousin du gnawa du Maroc et du diwan d’Algérie) encore au stade du rituel prend ici toute sa vigueur musicale grâce à la rencontre avec Amazigh Kateb, l’excellente flûtiste Naïssam Jallal, Philippe Gleizes à la batterie, et « l’homme qui le cœur sur la bouche « dixit Naïssam, j’ai nommé le fabuleux poète, improvisateur Dgiz et sa contrebasse. Une création qui a demandé une résidence et des répétitions et qui se poursuivra car « ce n’est que le début du chantier » m’explique Amazigh Kateb.
La danse contemporaine est dignement représentée par une pionnière du genre en Tunisie, Imen Smaoui accompagnée de l’incroyable Violaine Lochu, artiste vocaliste , elle a crée un langage , une grammaire où on retrouve quelque chose qui rappelle les voix bulgares, les chants Italiens , les sonorités chamaniques des Innuits, tout un monde en fait, le sien ! Elle nous donnera à la basilique du Kef une performance avec Alia Sellami , les mobiles de Jorg Müller et le souffle continu de Peter Corser au saxophone, un moment fort du festival apprécié par les jeunes Keffois. Même les oiseaux se sont invités !
Un festival bourré d’énergie avec un artiste qui « n’arrête jamais » Méderic Collignon (voix, trompette, bugle et éclats de rire) en effet même son rire est accordé à ses instruments, ce monsieur fait de sa vie de la musique. Regard bleu, chaleureux, son humanité accompagne avec grâce, humour et facéties la chanteuse Tunisienne Alia Sellami entre jazz et musique traditionnelle.
Le nouvel institut Français de Tunis (ancien lycée Carnot) restauré et pimpant avec sa façade recouverte d’une mantille en dentelle servira d’écrin pour l’ouverture du festival « la voix est libre, Le chantier en Tunisie » , la cour de l’ancien lycée est recouverte de gazon , les arbres qui ont vu des générations de collégiens sont bien taillés, la médiathèque, la galerie d’exposition, l’auditorium, tout est prêt pour que vive la culture des deux pays.