A la découverte de la bd « La Main Heureuse » et de David Blot.
Notre contributeur David Blot n’aime pas vraiment les concerts et pas spécialement la Mano Negra. Il a pourtant adoré « La Main Heureuse », une bande dessinée de Frantz Duchazeau qui raconte un… concert de la Mano Negra. Explications.
Je n’aime pas les concerts. Enfin à part tout ceux que j’ai adorés, bien sûr, mais sinon je n’aime pas ça. J’aime pas acheter un billet 6 mois à l’avance, j’aime pas que ce billet soit un code barre, j’aime pas les files d’attente, j’aime pas la foule, j’aime encore moins la foule quand elle s’agglutine et trépigne dans la même direction et je déteste la foule quand elle obéit au doigt et à l’oeil. J’aime pas qu’on me dise que la première partie est à 19h30 et le concert à 21h et qu’à 23h on ferme. J’aime pas les bières. J’aime pas les sponsors. J’aime pas les jams et les boeufs. J’aime pas les slam diving, j’aime pas les larsen, j’aime pas les solos de guitares, j’aime pas les rocks stars, j’aime pas les gens qui vénèrent les rock stars. J’aime pas les mecs qui transpirent sur scène, qui enlèvent leurs t-shirt et les jettent dans la foule. J’aime pas qu’on idolâtre des gens et qu’on le fasse savoir bruyamment. J’aime pas les gueulards. Je ne peux pas encadrer Bertrand Cantat. Je hais Shaka Ponk.
Promis : un jour je vous raconterai mon festival idéal, vous en aurez les larmes aux yeux tellement c’est éloigné de ces machines à moutons qui vont rythmer l’été, mais je n’ai pas la place ici. Parce que je n’aime pas trop la Mano Negra non plus. Enfin j’ai rien contre hein, dans le désert français de la fin des années 80 c’était un bon groupe et mélodiquement il y a des choses très jolies, mais… ça respire un peu trop la foule justement, le « dépassement de soi » et les « oh oh oh oh » en rappel…
Alors comment se fait-il que j’ai aimé cette bande dessinée de Frantz Duchazeau ? Bande dessinée qui raconte l’errance sur cent kilomètres et avec une seule mobylette de deux jeunes provinciaux perdus dans le grand nulle part et rêvant d’aller voir … un concert de La Mano Negra ?
Parce qu’a 16 ans il est normal de vénérer un groupe, d’aimer la sueur et les larsens. Normal à 16 ans d’avoir besoin de s’identifier à des gens auxquels vous voulez ressembler et même presque normal d’avoir envie de sauter dans la foule. Parce que l’adolescence – ok, si vous voulez on pousse l’adolescence jusqu’à 23 ans et demi, pour que vous puissiez encore vivre votre Solidays tranquille cette année – est la seule période ou tout ce cirque rock’n’roll se justifie.
Et le livre ne parle que de ça. Des rapports d’âge. D’étapes dans la vie, comme ces garages et stations services qui rythment le trajet. De ces vieux routiers rencontrés sur la route qui ont laissé filé leur temps et de ces deux gamins puceaux qui vivent leur première nuit blanche au son de la Mano Negra. On y trouve tout : les parents, assez terrifiants, le grand frère, Manu Chao en apparition caméo, et les femmes, ou plutôt une femme, La Puta qui donne la Fièvre et qui orne la pochette du disque, objet de tous les fantasmes.
Même si vous n’avez jamais écouté la Mano Negra, ou que vous aimiez ça moyennement comme moi, vous trouverez ça touchant. Et sincère. Et bien raconté. Presque bouleversant. Ca m’a souvent rappelé les intentions graphiques du « Chant de La Machine » dessiné par Mathias Cousin sur la techno, ce qui venant de moi n’est pas un compliment fat en tout légèreté. Comme quoi la filiation n’est pas musicale. Elle est dans les cases.
Une mobylette, deux ados, cent kilomètres. Et La Mano.
J’écris même « La Mano », merde…
« La Main Heureuse » de Frantz Duchazeau (Professeur Cyclope / Casterman)