Lauréat 2020 du Prix de la Page 111, cet écrivain de Châlons-en-Champagne réclame la démocratisation des explorations de l’inconscient. Et si dénouer nos obsessions, soulager nos traumas, était aussi banal que l’eau courante ?
« Quelles chances avais-je de devenir cétacé, grand singe ou éléphant ? (…) Les avions commençaient à tomber. Arches de Noé saturées d’animaux (…) On racontait que le pilote du vol Los Angeles-Sidney s’était mis à hennir au milieu du Pacifique. » Mais où sommes-nous ? Dans le cabinet d’un psy, au chevet d’un patient aux songes assez bestiaux ? Paru en septembre aux éditions Alma, récompensé sur Nova du très convoité Prix de la Page 111, Les Métamorphoses, le second roman de Camille Brunel, 34 ans, se déroule dans un avenir assez proche, où une « pandémie de métamorphoses » transforme soudain en animaux, au hasard, 300 000 de nos compatriotes. En hyène, en écrevisse, en brebis, en taon. Ou en cheval, coincé dans un cockpit.
Pour son second futur désirable – le temps d’une carte blanche d’une durée de 11 mois et 1 semaine sur notre antenne, suite à l’obtention de son prix –, cet admirateur de Lautréamont, qui vient de terminer un « Eloge de la baleine » à paraître aux éditions Rivages, réclame aujourd’hui l’indispensable démocratisation de la psychanalyse.
« C’est une découverte plutôt récente, n’est-ce-pas ? 150 ans, maximum ? Qu’est-ce qu’on connaissait des Amériques, 150 ans après Christophe Colomb ? (…) L’inconscient, les rêves, les névroses, on regarde ça avec la circonspection des Européens à qui on parlait de Californie sous Louis XIII. » Que se passerait-il si dénouer nos obsessions, éclairer et soulager nos traumatismes, était aussi ordinaire qu’avoir accès à l’eau courante ? Si les théories de Freud et de Lacan figuraient au programme de CM1 ? « Les enfants et les ados seront bien conscients de ce qui les bloque. Ils en parleront entre eux, considérant leur esprit comme une énigme à débloquer. Les traumatismes seront traités avec le même sang-froid que les plaies ouvertes : on ne passera plus des années à prétendre qu’on n’a pas le bras cassé avant d’aller aux urgences » ,ni « des décennies à s’interroger sur la meilleure façon d’agir vis-à-vis de nos parents. » Le tout, avec l’aide des intelligences artificielles, qui « repéreront les schémas qui se répètent, les tics de langages, les lapsus »… plutôt que de « flatter notre ego comme on félicite un bon cheval » En selle, Sigmund !
Habillage : Juste Bruyat.
Pour écouter la précédente utopie de Camille Brunel, c’est là : https://www.nova.fr/podcast/larche-de-nova/camille-brunel-demain-des-animaux-siegeront-lassemblee
Image : Annie Hall, de Woody Allen (1977).