Le professeur Impossible raconté dans un beau livre.
Parti en 2005, l’inénarrable Professeur Choron, alias Georges Bernier, est en couverture du magazine post Punk « Distorsion », et se voit gratifié d’un énorme album de 400 pages chez Glénat éditeur. C’est une véritable encyclopédie, avec photos de famille et des backstage d’ Hara-Kiri, d’innombrables extraits de ses exploits en images, romans photos, vidéos , fiches cuisine, et autres mises en scène du maitre, entouré de femmes, de saucisses, d’armes ou d’entonnoirs.
Avec ses polos et son fume-cigarettes, Choron représentait une sorte d’aristocratie populaire, anarchiste, scatologiste, pornocrate et réactionnaire … Ce gourou ambigu du déconnage, de l’irrespect – et des provocations machistes – fut indirectement un des pères spirituels des agités de mai 68, qu’il aurait traité de chienlit gauchiste ! Et des punks ! Car Choron fut un paradoxe permanent. Coluche, Renaud, Drucker, Topor, Copi , Mitchell …et bien d’autres vinrent lui rendre hommage en se laissant photographier dans Hara Kiri, entre une fesse et un nichon.
Rite de passage pour éprouver les autres, Choron savait aussi vous faire boire pour voir les choses dégénérer. Epreuve ou débraillage débile ?
Il y a une quinzaine d’année j’avais proposé à De Greef pour Canal un doc sur Lui et Hara Kiri, comme racine de la plupart des comiques (les Nuls, Coluche, le Splendid, et ça ne faisait que s’amplifier..), avant que ces pionniers ne s’en aillent vraiment. Canal + ne voyait pas l’urgence, mais la vieille équipe Hara Kiri m’avait dit oui. Car j’avais mis un certain temps à apprécier le jusqu’au boutisme et la violence de Choron, les fesses dans la choucroute, et la tête entre des cuisses d’une figurante, pour enfin réaliser la dérision, la vérité et la pureté de cette démarche.
Tous les adjectifs conviennent à cet iconoclaste, cet Attila de magazine, cet insatiable de la rigolade, du mauvais goût et de la méchanceté gratuite, puisque animaux , femmes enceintes, bébés et vieillards passaient tous au hachoir. Quant à l’homme, je le trouvais tendre, plutôt classe, romantique avec son regard triste et son sourire carnassier. Ses souvenirs de l’Indochine, comme pour d’autres l’Algérie, lui donnait des airs de cousin éloigné de Le Pen ou tonton de Delon.
Il conchiait l’armée , mais devait avoir un amour secret pour les mercenaires, les putes et les clodos . Toute son équipe de journal lui devait tout, à mon avis, il était le Barbe noire d’un bateau pirate, dont il était le seul à savoir vraiment tenir le cap.
« Faire chier le monde », est que ça peut être un art ? Car Choron fut aussi un dadaïste, un surréaliste, un lettriste, un situationniste, un des rois du Pop , sans oublier ses performances et ses installations orgiaques. Quant à ses films de fiche bricolage et autres, je me souviens de trois filles qui branlait littéralement un camembert, jusqu’à en faire un membre turgescent…Question allégories, transpositions et ruptures , c’était un champion.
Sa démarche est aujourd’hui une sorte d’école dans la culture.
Voilà le personnage, et pourtant il ne fut qu’attaqué, poursuivi, condamné, puis ruiné par des procès, plaintes, interdictions, censures, dommages et intérêts, lâchages et trahisons… jusqu’à sa fin, évidemment seul et fauché.
Merci de repenser à lui de temps en temps.
CA C’EST CHORON ! Album de 400 pages bourré d’archives, photos, pages et couvertures de toutes les publications . Des tonnes de dessins et des textes de ses amis et ennemis, articles et hommages …Couleur, format 24X32cm. 39 euros
sortie le 21 Octobre.