Les bons polars français d’aujourd’hui savent qu’il faut avoir ceux d’hier en ligne de mire…
Il parait que c’est en voyant Tokyo Olympiades que les scénaristes Thomas Bidegain et Noé Debré auraient eu l’idée de La résistance de l’air. En 1965, il avait été commandé à Kon Ichikawa un documentaire sur les Jeux Olympiques censés être à la hauteur de ce qu’avait fait Leni Riefenstahl avec Le triomphe de la volonté. Le réalisateur Japonais aura été plus malin : en lieu en place de l’oeuvre de propagande attendue, il signera un film magnifiant certes le sport mais pas la patrie.
Il serait vain de comparer Tokyo Olympiades, film monumental – dans tous les sens du terme- et La résistance de l’air, mais on comprend assez bien ce que le documentaire à fait germer dans l’esprit de ses scénaristes. Ichikawa revenait toujours à l’intime de l’expérience collective que sont les J.O, filmait souvent dans les coins, pour scruter comment des moments bigger than life pouvaient impacter les athlètes ou les spectateurs. Ou comment le véritable triomphe n’était pas de décrocher de médaille mais la maîtrise de soi, le contrôle pour y arriver, et parfois le prix à payer.
Profil bas mis à part, l’approche de départ de La résistance de l’air est similaire: suivre un champion de tir dans son sport et en coulisses. Vincent doit préparer un championnat tout en devant boucler ses fins de mois. Une grosse tuile lui tombe sur le coin de la gueule, quand il doit récupérer son père, de plus en plus impotant, à domicile. S’apercevoir que son père est un raté ou le faire supporter à son couple n’est pas l’ambiance la plus sereine. Surtout si en plus, il n’y a plus de quoi payer les traites du chantier de la nouvelle maison.
La thune ne sera bientôt plus un souci quand un mystérieux nouvel inscrit au club de tir lui propose de devenir tueur à gages. Le mental, lui, va devenir problématique.
Pas étonnant si La résistance de l’air rappelle ici et là, les personnages du cinéma de Jacques Audiard, ceux qui se retrouvent face à des choix qui pourraient changer leur vie du jour au lendemain, mais pour lesquels l’éthique et la morale pèsent lourdement dans la balance : Bidegain et Noé sont, depuis Un prophète, ces co-scénaristes attitrés et le réalisateur Fred Grivois, un de ses assistants.
Tout ce petit monde s’émancipe cependant de cette influence en n’allant pas, comme généralement les films d’Audiard, du réalisme social au film de genre, en l’occurrence le polar. La résistance de l’air joue avec ces codes pour mieux les laisser au second plan, se concentrer sur une vie de couple de plus en plus fragilisée et la nature profonde de Vincent, qui se révèle lorsqu’il bascule dans le monde de la criminalité.
Reda Kateb est impeccable dans ce rôle de type dont la vie, qui repose sur un sens du contrôle, part en vrille. Son jeu tout en naturel dans des situations qui le sont de moins en moins, contribue à ramener La résistance de l’air vers ces polars français du début des années 70 : secs, tangibles, tournant le dos au spectaculaire pour aller vers des études psychologiques de caractère.
C’est donc peut-être un cinéaste japonais qui est à l’origine de ce film, mais il rappelle surtout l’univers des bouquins – et leurs adaptations au cinéma- de Jean-Patrick Manchette, par cette ambiance métallique, où le goût du sang est finalement bien plus amer que prévu.
Le film est sorti en DVD, retrouvez ici toutes les informations !
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