Jean Giraud aka Moebius en plus de 200 pages d’entretien au long cours.
Je ne vous ferais pas l’affront ici d’une énième notule sur le qui, que, quoi ou et quand Moebius, Jean Giraud, Blueberry ou le Major Grubert. Mettons que si vous lisez ces lignes vous savez qui sont ces noms – qui sont les vrais, les pseudos et les héros. Nous sommes entre amateurs.
Et tout bon amateur de Giraud / Moebius, se doit de posséder cette somme signée Numa Sadoul : plus de 240 pages d’entretiens (et autant de dessins et d’inédits), étalés sur trois périodes, 74/75, 88/89, puis de 2000 jusqu’à la mort de Moeb. Tout est abordé, à battons rompus, parfois la discussion se concentre sur une seule case, ou au contraire s’élance sur des sujets bien plus larges. Le jazz, le western, les femmes, le Mexique, la drogue ou la bouffe, l’enfance, la mort et le sexe, selon l’humeur du jour. Où l’on savoure la presque schizophrénie de Jean Giraud, capable de la plus extrême rigueur, dans le travail par exemple, ou au contraire de se laisser aller à des déambulations étonnamment naïves. Dualité du maitre Moebius, qui consciemment et régulièrement se chercha une figure paternelle, des plus traditionnels Joseph Gilain dit Jijé (sa grande référence graphique) ou Jean-Michel Charlier (son scénariste de Blueberry) jusqu’au plus loufoque Alejandro Jodorowsky, voire les carrément douteux Appel-Guéry et sa secte, ou Guy-Claude Burger le penseur de l’instinctothérapie. Gir et Moeb, ici captés dans toutes ses (leurs) contradictions, à la fois guru et adepte, maitre et apprenti, génie intransigeant et gentil idiot.
L’intêret du livre réside aussi dans la complicité qui unie Sadoul et Giraud, complicité qui se poursuivra jusqu’au dernier instant de vie de Moebius, mais peu complaisante puisque Sadoul n’hésite jamais à critiquer, titiller, insister, loin de la déférence habituelle que l’on réserve au grand maître. De fait, Sadoul n’est pas n’importe qui dans le métier, il est déjà l’auteur d’entretiens fleuves avec Hergé et Franquin (mais aussi Tardi, Vuillemin ou Uderzo) – tout simplement les plus grands noms de la bande dessinée franco belge (je remet une couche : Hergé – Franquin – Moebius, plus de 600 pages d’interviews, excusez du peu).
Une position rare, tout art confondu. Il reste peut être à faire un grand livre d’entretien : celui avec Numa Sadoul.
PS : 4 extraits du livre à écouter, sur ce podcast de la Book Box : http://www.novaplanet.com/radionova/54721/episode-tourner-autour-de-moebius
Docteur Moebius et Mister Gir de Numa Sadoul, éditions Casterman!