En automne, le mercure chute, les feuilles mortes voltigent, mais c’est toujours la saison du Monoquini.
Vous pouvez commencer par cercler de rouge la date du 13 octobre, où vous serez invités à suivre, à l’Utopia, Les Funérailles des Roses, sous la houlette de Toshio Matsumoto. Comment résumer en quelques mots ce film, sorti en 1968, et longtemps resté inconnu dans nos contrées ? Pour s’adonner au plaisir de la formule, on pourrait affirmer que c’est Oedipe Roi rejoué par des drag-queens devant la caméra d’un Brecht tokyoïte. Ça éveille votre curiosité ? Tant mieux.
Multipliant les effets de distanciation (texte sur l’écran, accélérations de l’image, adresses au spectateurs, extraits de making-of, etc.), ce long-métrage expérimental ménage en effet une ouverture vers tout ce qui bruissait alors derrière la rutilante vitrine du miracle économique japonais (et des JO de Tokyo ’64) : un underground pop et provocant, une contre-culture vibrant notamment au travers des manifestations du Zengakuren, du fanzine Provoke, des photos de Nobuyoski Araki ou Daido Moriyama.
On laisse passer quelques jours, jusqu’au dimanche soir où, le 18 octobre, la Lune Noire se fichera haut sur tous les agendas pour mieux éclairer les Âmes Perdues de Dino Risi. Dans une Cité des Doges délabrée et mystérieuse, où on hésitera à deux fois avant d’y risquer sa gondole, le réalisateur italien développe une atmosphère et une intrigue angoissées, gothiques, loin, très loin de ses pochades satiriques 60s.
Enrôlant son acteur fétiche Vittorio Gassman (seize collaborations !) et Catherine Deneuve, Risi renoue plutôt avec sa première profession, la psychiatrie. Mais caméra au poing, bien sûr. Aidé en cela au scénario par Bernardino Zapponi, collaborateur de Fellini ou Argento, Les Âmes Perdues est un thriller crépusculaire et claustrophobe, sur laquelle flotte cette interrogation lancinante, lâchée au détour d’un dialogue : « Ne vivons-nous pas dans une énigme ? » Si, et la réponse n’est pas forcément 42 – je vous vois venir.
Après le Japon et l’Italie, prolongeons vers l’ouest cette traversée de la mappemonde. Direction l’Amérique, celle des premiers cinéastes indés mordillant les chevilles de l’establishment et ouvrant la voie aux assauts du Nouvel Hollywood. Celle de Frank Perry, par exemple. En 1962, celui qui se fera connaître via le fantasque The Swimmer (même si le film fut en fait bouclé par Sydney Pollack, longtemps non-crédité) réalise David & Lisa.
Ni Bonnie & Clyde, ni Johnny & Mary, David & Lisa, ce sont deux ados internés en HP – hantise du contact pour l’un, dédoublement de la personnalité chez l’autre – qui vont mutuellement bouleverser leur rapport au monde grâce à leur rencontre sur les bas-côtés de l’American way of life.
Avec dans les rôles-titres Keir Dullea (oui, le futur astronaute de 2001 : L’Odyssée de l’Espace) et une Janet Margolin qui fait ses premiers pas sur grand écran, ce film tourné en cinq semaines, financé au prix de moult contorsions improbables, réussit la gageure de ne tomber à aucun moment dans un pathos facile. Succès public et critique, il récoltera le prix du premier film à la Mostra de Venise. Soyez donc sûr.e.s que ça aura une autre gueule que Nos étoiles contraires – surtout projeté en pellicule 16mm argentique, comme ce sera le cas le mardi 24 octobre à la Bibliothèque Mériadeck.
Plus d’informations ICI sur les cycles Ciné 16, Screen Test et Lune Noire.