En ce jeudi 24 septembre, je cliquète sur le net, à priori innocemment, histoire de réserver un aller retour Bordeaux Pau pour le 8 octobre, ( en espérant, bien sur, que d’ici là, le Sud Ouest ne sera pas reconfiné ).
Mon but ? Visiter les expos du Festival Accès)s( qui est, comme chacun sait, un must en matière de cultures électroniques.
Mais, au fait, pourquoi « à priori innocemment » ? Après tout, je n’ai rien à vous cacher et je sais également que Big Brother est déjà, lui aussi, au courant de cette velléité de déplacement à motif culturel.
Big Brother ? Oui, mais pas que… Il se peut que mes clics et mes recherches aient déjà commencé à nourrir l’une des oeuvres qui seront présentées durant cette 20ème édition… Magie des flux, magie de l’internet et de l’interconnection mondialisée, en frappant sur ce clavier je suis peut être en train d’activer des diodes au pied des Pyrénées…
C’est dingue…. Certes, il y a une trentaine d’années de ça, quelques illuminés en blouses blanches, planqués au fond d’un labo de la fac de Bordeaux, m’avaient fait découvrir un tout nouveau protocole de communication à distance, encore réduit à des échanges de charabia crypté en vert sur fond noir, entre cranes d’oeufs à gros Q.I., déjà persuadés à l’époque qu’on pourrait, un jour, y faire circuler des sons, des films, des devises et des données à tire larigot. Oui, ils se doutaient bien que ce réseau risquait fort d’être annexé par de puissants groupes, voire devenir un outil de contrôle mondial… Mais ce qu’ils n’avaient pas prévu, c’est la naissance d’une nouvelle race d’artistes, à mi chemin entre le poète et le hacker…
Et, comme chaque année, depuis 20 ans, Accès)s( nous en a sélectionné une belle brochette…
Installations, sculptures interactives, robots connectés à nos états d’âmes, performances, vidéos cyber générées, distributeur de drogue de l’amour en provenance directe du Darknet et même téléportation dans le futur vous y sont proposé jusqu’au 12 décembre dans un joyeux vrombissement de zéros et de uns, semant une salutaire pagaïe dans les tristes diktats du pragmatisme informatique.
Tiens ? Pendant qu’on cause, je perçois vos clics à vous aussi, sur cette carte de Maurice Benayoun, et vous, vous me voyez ?
Si vous vous sentez plutôt en mode warrior, connectez vous chez Emilie Brout et Maxime Marion , vous allez voir, c’est de la bombe !
Pas loin de là un robot araignée se tortille en vous renseignant en direct sur l’humeur de son créateur Fabien Zocco grâce au bracelet connecté que celui ci porte en permanence, le temps de l’exposition. Vient il de gagner au loto ou tout simplement de se ruiner l’orteil contre le pied de la table basse ? Les paris sont ouverts…
Marion Balac s’intéresse au cas Mark Zuckerberg dans une vidéo musicale prophétique qui voit celui ci en possible successeur de Trump, voire d’une néo divinité proto Matrix et c’est schtroumpfement flippant quand on y pense…
Samuel Bianchini préfère se livrer à une effrénée partie de Pierre-Papier-Ciseaux contre les traders du Dow Jones et du Cac 40….
Albertine Meunier a choisi de miser sur le Peg, une monnaie virtuelle alignée sur le prix de la baguette.
Dans la Boite Noire de Thibault Brunet, la Syrie achève de retourner à la poussière sous l’effet des flux contradictoires d’une guerre qui est aussi celle entre l’info et la propagande sur les réseaux sociaux tandis que la sculpture connectée de Nicolas Maigret, met à jour le profil des Gafam en exploitant leur données personnelles pendant qu’ils sont trop occupés à collecter les nôtres…
Et tout cela n’est qu’une partie du programme que je vous invite à découvrir dans sa totalité ICI.
Mais avant, faisons un petit break, allons nous poser dehors, sur la pelouse qui jouxte Le Bel Ordinaire, dans le vrai monde de la vraie vie. Pelouse au dessus de laquelle batifolent deux ou trois escadrilles de papillons quelque peu pompettes, de retour d’une virée dans les vignes du Jurançon, de l’autre coté du Gave. On en oublierait presque ces histoires de pandémie, de masques, de jauges et d’annulations en série…
A ce sujet, l’équipe du festival a, pour l’instant, réussi à sauver grosso modo les meubles, en maintenant une partie de la programmation musicale, au prix d’une réduction sensible et inévitable de la voilure,
La Nuit Électro a du être annulée, mais deux des artistes programmés, La Peste et ISNT, auront l’exquise gentillesse de venir se produire néanmoins durant le vernissage, jeudi 8 à 19h dans la salle voisine, La Route du Son.
Les concerts à la Centrifugeuse sont eux, réduits mais pour l’instant maintenus : L’open Simmetry Ensemble, le 1er octobre, Rocio Berenguer, le 21 ainsi que « Les Corps Mécaniques » de Florent Colautti le 19 novembre et « Entrer dans la Couleur » d’Alain Damiaso, le 4 décembre.
Sachez enfin que si vous ne pouvez venir à Pau, il vous est néanmoins possible d’en prendre plein les mirettes depuis chez vous, dès le 8 octobre grâce à une exposition virtuelle compilant avec la complicité de Thomas Cheneseau, 25 oeuvres ayant marqué l’histoire des arts numériques depuis 20 ans :
(JODI, Claude Closky, Rafael Rozendaal, Nicolas Frespech, Martine Neddam, Emilie Gervais & Félix Magal, Jankenpopp & Zombectro, Reynald Drouhin, Olia Lialina, Faith Holland, Jan Robert Leegte, LaTurbo Avedon, Zach Lieberman, Cornelia Sollfrank, Andy Picci, Miltos Manetas, Constant Dullaart, Françoise Gamma, Ivan Argote, Amalia Ulman.)
Bien, il est l’heure pour moi de sauvegarder ce texte avant de publier, histoire de ne pas me prendre, comme hier, une grosse ERROR 503 BACKEND FETCH FAILED dans la face et d’avoir à tout recommencer depuis le début…
Je le trouve bizarre, mon ordi, en ce moment, il fait de drôles de bruits… On dirait qu’il me parle. Vous ne me croyez pas ? Approchez votre oreille de l’écran : Là, vous l’entendez ?
On jurerait qu’il répète en boucle « Fais moi lire du Burroughs ! ».
Oh, putain… Il faut que j’aille me faire tester d’urgence !
Festival Accès)s( : Melting Point. Du 8 octobre au 12 décembre, Pau, entrée libre.