Si le passage du Père Noël n’a pas suffi à contenter vos appétits de cinéphiles, pas d’inquiétude ! L’association Monoquini revient avec dans sa hotte des kilomètres de pelloche et des bobines par dizaines. C’est qu’il va en falloir pour animer les écrans du Cinéma Utopia et de la Bibliothèque Mériadeck, qu’ils occuperont toute cette année 2020 avec pas moins de trois programmations distinctes, explorant les écrans de traverse : la Lune Noire, bien sûr, mais aussi deux petits nouveaux, le rétro Ciné 16 et l’expérimental Screen Test.
Ciné 16
À l’heure des écrans par dizaines et du streaming balisé aussi chiant qu’une autoroute, Ciné 16 opte pour le travelling arrière chez les bibliovores de l’ex-« quartier du futur ». Sur support argentique 16mm (d’où le nom), avec un vrai projectionniste dans la salle (que l’on tâchera d’éloigner des faucilles et des marteaux), la première séance Ciné 16 jouera la carte locale.
Avec quel film ? Bordeaux, la mémoire du cinéma. Un moyen-métrage réalisé en 1986 par Pierre Philippe, qui puise dans près d’un siècle d’archives et de films ayant Bordeaux comme décor pour tisser une évocation de la capitale girondine – ses habitants, ses habitudes, ses hautes figures et ses lieux disparus, les petits comme les grands détours du XXe siècle bordelais.
Et pour la deuxième de ces séances façon ciné-club à l’ancienne, le samedi 15 février, Ciné 16 ira fureter dans les coulisses de la radio (Le huitième art et la manière, 1952) et de la télé (Télévision, oeil de demain, 1947). Deux courts-métrages étonnants, dont le grain vintage ne sape en rien la pertinence ou l’impertinence, qu’il s’agisse de faire dans l’anticipation futuriste ou dans la saynète caustique.
Screen Test
Le cycle Screen Test rend hommage aux inventeur.rice.s de formes du septième art contemporain. Le mardi 14 janvier, pour initier cette ambitieuse ligne directrice, c’est un film croate qui sera projeté : The Spirits Diary (ou Rakijaški Dnevnik si vous voulez vous la péter en VO). Centré sur la personnalité de Mario Haber, ingé-son obsessionnel et bouilleur de cru clandestin, ce journal en état second offre un rendu quasi-synesthète, mélangeant, à l’instar de son protagoniste, les expérimentations sonores, gustatives et virtuelles.
La petite voix intérieure en chacun de nous aura tout loisir de s’épancher, jeudi 20 février, lors de la projection des Grands Squelettes de Philippe Ramos. Quatrième réalisation de cette figure discrète du cinéma d’auteur hexagonal, on y suit dans les rues parisiennes les soliloques de treize âmes errantes (parmi lesquelles Denis Lavant, Melvil Poupaud ou Jean-François Stévenin) en proie au doute affectif.
« À Paris, dit Philippe Ramos pour expliquer la genèse de ce film choral, j’aime observer les gens perdus dans leurs pensées. Souvent, je me demande quels mots viennent à leurs esprits ou quelles images apparaissent devant leurs regards si vagues ».
Lune Noire
Enfin, dernière chose mais certainement pas la moindre : la Lune Noire revient aux affaires ! Les fameuses séances du troisième type, dont on vous a causé maintes et maintes fois, se tourneront vers l’Italie, les giallo et la confection criminelle.
Ça commence avec un film majeur, précurseur même : Six Femmes pour l’Assassin (1964) de Mario Bava. À la fois baroque dans ses couleurs, splendides, et gothique dans son angoisse, ce classique captivant s’infiltre dans un atelier de haute couture romain ultra-select où les mannequins tombent comme à Gravelotte. En passant, Bava en profite pour instiller des éléments qui s’installeront comme des figures imposées du giallo (et, plus tard, du slasher) : le tueur mystérieux, le mélange d’érotisme et de meurtres stylisés, le climat d’horreur lancinant. Un film à découvrir, à revoir, à scruter dans la moindre de ses coutures et de ses replis.
Et d’un giallo l’autre, le dimanche 23 février, la Lune Noire mettra en vedette un métrage plus récent (il est sorti en 2018), le In Fabric de l’Anglais Peter Strickland. Étonnante fabrique que cette variation surréaliste cousue-main, piochant chez Lynch et Buñuel, donnant à voir un magasin de prêt-à-porter comme en croise peu rue Saint-Cath’, entre vendeur.se.s porté.e.s sur l’occulte, VRP carnassiers et, surtout, une robe d’un rouge si fatal qu’elle en fait passer la tunique de Nessus pour un banal T-shirt.
Pour noircir vos agendas et vous en mettre plein les rétines, Monoquini s’annonce donc, en 2020 comme les années précédentes, comme un pourvoyeur de qualité. Et ce n’est que le début !
Plus d’informations ICI sur les cycles Ciné 16, Screen Test et Lune Noire.