Compter les moutons pour s’endormir : le conseil est connu, prodigué par plus d’une grand-mère aux bons tuyaux. Sauf que, bientôt, ces bondissants cheptels imaginaires seront sans doute au chômage partiel : on pourra faire de même en dénombrant, l’une après l’autre, les différentes « conférences des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques » (ne vous tracassez pas, dites COP, comme tout le monde).
Sauf si souffrez d’Alzheimer ou que vous étiez dans une grotte à Svalbard à ce moment-là, vous vous souvenez de la COP21 à Paris. De Hollande, Fabius et consorts, si fiers, si triomphants d’avoir échafaudé un accord mondial qui tienne à peu près debout. Comme si la partie était déjà gagnée, alors qu’elle n’avait même pas vraiment commencée.
Quatre ans plus tard, ça sourit moins, c’est sûr. Alors que l’urgence s’est intensifiée, les engagements internationaux sont plus fragiles que jamais et les bonnes volontés étatiques (quand elles existent) ressemblent trop souvent à du greenwashing mené en dépit de la logique élémentaire. Même pas besoin de pointer du doigt, même s’ils le méritent cent fois, les Trump, Bolsonaro ou Xi Jinping ; commencez par regarder simplement qui est notre actuelle ministre de l’Écologie. Réponse : une ex-lobbyiste de Danone, 4e pollueur plastique au monde.
Bon, ça fait une bonne briquasse de contexte, tout ça. Mais il y en a besoin, histoire de voir à quel point la réalité s’ingénie à toujours garder une courte longueur d’avance sur les scénarios dystopiques les plus farfelus.
Et le spectacle, me direz-vous ? On y vient, justement. « Kyoto Forever 2 » avance le calendrier de quelques mois : 2022, juste avant la COP28, énième réunion de la dernière chance. Du futur très proche, donc ; il y aura à peine le temps d’aller acheter une paire de chaussures pour se la coller au sommet du crâne tellement ça marche sur la tête. Se fondant sur des notes diplomatiques bien réelles pour élaborer la trame de cette pièce, Frédéric Ferrer plonge dans un océan d’absurde le spectateur, ébaubi sur son siège tel un ours blanc surpris par la fonte toujours plus rapide de la banquise.
Sur scène, ça ergote, ça finaude, ça s’écharpe autour d’une virgule mal placée, d’un mot trop explicite, quand ça ne cherche pas tout simplement à rouler le voisin ou à s’échapper en douce. Ah, inconséquences de la realpolitik qui brassent plus de vent qu’une éolienne installée au grand large. Disons-le, il y a un côté bras cassé, pusillanime, guignolesque, à la table de ces négociations. Des dialogues si surréels que par instants on en oublierait presque que ces échanges à bâtons rompus ne doivent pas être si différents durant les pourparlers géopolitiques.
Pour terminer, la petite phrase de William Finnegan tombe à pic : « On ne peut que haïr la façon dont le monde tourne. » Et si vous voulez l’exécrer à peu de frais et à grands coups de rires jaunes, on a quelques strapontins à vous proposer, avec le coupe-file Nova Aime.
Kyoto Forever 2, le vendredi 8 février à 20h30 au Carré (Saint-Médard-en-Jalles)