Finalement au cinéma tout est peut-être plus question de voix que d’image.
Avant de faire ses premiers pas au cinéma avec Sorry to Bother You, Boots Riley avait déjà donné de la sienne en étant le leader de The Coup, formation hip-hop bousculant les règles du genre avec des morceaux fricotant avec des sonorités funky pour mieux envoyer une sauce politique à la Public Enemy.
Riley joue la même carte pour son premier film en camouflant sous une façade de bricolages aussi ébouriffés que fait main à la Michel Gondry ou un art du trompe l’œil à la Spike Jonze, une gueulante carabinée contre les aléas du capitalisme.
Le message passant par une voix, celle que Cassius, un employé de télémarketing se découvre. Il est noir, mais quand sa tessiture devient blanche, elle fait cracher le cash à ceux qu’il appelle pour leur vendre tout et n’importe quoi. Sans se rendre compte qu’il participe au lavage de cerveau de la multinationale qui l’embauche et de son plan diabolique d’asservissement des masses.
Sorry to Bother You est un OVNI, connectant pour une mise à jour les dystopies grinçantes des épisodes de Twilight Zone au cinéma militant de la blaxploitation façon Melvin Van Peebles. Ou comment conjuguer divertissement et tribune engagée.
Autrement dit un creuset bouillonnant mais cohérent dans son propos et sa rogne. Face à l’endormissement du prolétariat par les pontes du CAC 40, Riley monte les barricades d’un chaos créatif, pousse les curseurs de l’absurde aussi loin que les mécanismes esclavagistes de la start-up nation.
En proposant un mode d’emploi pour faire tomber les tours d’ivoires d’un système économique toujours plus glouton, Sorry to Bother You confirme l’émergence d’un nouveau cinéma noir américain, de Get Out à Black Panther, infiltrant les codes de celui des studios hollywoodiens pour porter ses revendications. Et surtout affirmer que non, vu l’état social actuel, il ne faut plus être « désolé de vous déranger ». Au contraire.
A.M
En salles le 30 janvier
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