Oubliez Macron, ce faquin tout droit d’un épisode d’OSS 117 : le vrai maître des horloges, c’est lui : Flavien Berger. Trois ans après son déjà remarquable Léviathan, le Parisien a remis plus d’une pendule à l’heure cet automne, aiguillant de nouveau les attentions vers son talent manifeste.
La preuve : Contre-Temps, son deuxième LP, conçu comme une « quête à reculons », un voyage dans le temps (son sujet de fin d’études), mais un temps assez peu linéaire, où le futur suivrait le présent qui suivrait le passé (qui suivrait l’époque où Polnareff sortait des bons disques). Ici, c’est un chouia plus compliqué.
« J’ai été marqué, confesse Flavien Berger, par une conférence de la philosophe belge Vinciane Despret, qui proposait une correspondance entre le crochet, les morts et les vivants. » Attends, deux secondes Flavien, ça demande quelques clarifications, tout ça. « Le crochet, c’est un rapprochement de point et de surface – tout comme le concept de trou de ver, qu’on figure en repliant une feuille à ses extrémités, avant de la traverser d’un stylo afin de signifier une brèche dans l’espace-temps. C’est un point de jonction d’instants de réalité qui n’étaient pas censés se rencontrer. Et c’est cela que raconte ce disque : une réalité repliée. »
Se fondant sur une telle hypothèse, on ne s’étonne pas d’entendre ce disque chalouper à travers une chronologie brouillée, s’entortiller comme le serpent du jeu sur les antiques Nokia 3310. Le paysage mental suit des méandres presqu’irrationnels, avec ses flashbacks inattendus et ses trouées de lumière caressante.
Bref, un disque sinueux, insinuant, flottant dans des dimensions forcément entrelacées, où le bon Flavien tisse des traits d’union entre Brian Eno et Muddy Monk. Se mêlant aux autres animaux, il sait réduire sa manière aux formats pop sur des singles radio qui mettent un coup de brillant sur la vieille carrosserie de la chanson française (« Brutalisme »), tout en conservant son goût pour les longues plages électro évanescentes (« 999999999 », ou le beau morceau-titre, ci-dessous).
De l’admiration, de l’indolence, de la fascination, c’est tout à la fois ce qu’on ressent à l’écoute de cette heure dix de musique, de mélodies à chantonner, de détours expérimentaux mêlés aux bruits du quotidien. Une recette qui en a conquis plus d’un.e, car, indéniablement, le bonhomme rassemble, de Gonzaï à Télé 7 Jours en passant bien entendu par les ondes de la Radio Nova.
Il n’est dès lors guère étonnant de constater que son concert à la Rock School Barbey ne nécessitera même pas l’ouverture des guichets : tous les tickets sont d’ores et déjà partis. À l’exception d’une poignée d’entre eux, que Nova Bordeaux a pris grand soin de mettre de côté – une sage précaution (n’est-ce pas ?) qui vous permettra peut-être de pouvoir assister à cet évènement sans bourse délier. Une condition, tout de même : cocher le bon mot de passe ci-dessous. Et après, il n’y aura plus qu’à laisser faire le temps, sans contre-temps, ni contredit.
Flavien Berger + Insomni Club, à la Rock School Barbey, le vendredi 30 novembre à 20h30