C’est la rentrée pour tout le monde. Bonne nouvelle, c’est aussi le cas pour nos défricheurs filmiques préférés, ceux de la Lune Noire, toujours sur la brèche. Et en guise d’amorce de la nouvelle saison, pas de SF pythonisse des 60s ou de giallo esthétisé, non. La couleur sera plutôt au noir, celui du polar et de la poudre à canon. Nous voilà réexpédié (sans DeLorean inutile) en 1950 avec Gun Crazy, course-poursuite trépidante et éperdue d’un fort beau calibre, signée du vieux briscard du bis Joseph H. Lewis.
L’histoire ? Simple, efficace – notamment grâce au travail de Donald Trumbo (Spartacus, Johnny s’en va-t-en-guerre), non-crédité au générique car blacklisté à l’époque par la redoutable Commission des Activités Anti-américaines. Un fondu de la gâchette (joué par John Dall, déjà vu chez Hitchcock) rencontre dans un cirque ambulant une autre virtuose du flingue (la fatale Peggy Cummins, qui tourne là son dernier film hollywoodien). Coup de foudre, avant que le jeune couple dans la dèche ne se mette à écumer le pays, braquant et défouraillant à tour de bras. La suite, c’est l’appât du gain, les gunfights érotisés, la fuite en avant, jusqu’à la fin, tragique, forcément tragique. Love like blood, comme dirait l’autre (même si pour le sang à l’écran, il faudra repasser, code Hays oblige).
Se situant à la lisière des films A et des séries B, Gun Crazy bénéficie à la fois des moyens alloués aux premiers et de la liberté de ton comme de style accordée aux seconds. Une situation qui a largement contribué à faire de lui un film culte. Car si son exploitation fut un échec commercial, ses audaces formelles (ah, le plan-séquence du hold-up de la banque de Montrose !), sa narration sans fard, son romantisme vif et désespéré inspireront dix à vingt ans plus tard le Godard d’À Bout de Souffle comme les films du Nouvel Hollywood, Bonnie & Clyde en tête (et pas que pour le béret de Faye Dunaway, ça va de soi). On connaît un paquet de longs-métrages pleins aux as qui pourraient jalouser un tel legs.
Et pour comprendre (voire, mieux, ressentir) le pourquoi d’une telle influence, il n’y a pas trente-six méthodes : rendez-vous dimanche au Cinéma Utopia pour filer le train de ces amants maudits et (re)découvrir ce jalon trop souvent oublié du cinéma américain.
Lune Noire : Gun Crazy, le dimanche 9 septembre au Cinéma Utopia, à 20h45