« Cinéma ! Cinémaaaa ! De salle en salle et de film en film, je t’ai donné mon existence ». Si, vous aussi, vous pouvez vous époumoner sur ce refrain avec la gaieté d’un Benoit Poelvoorde dans la nuit bruxelloise, alors le festival Les Tropicales by So Film arrive à point nommé pour combler toutes vos envies.
Car après le Summercamp nantais, les gonzes de l’excellent mensuel So Film longent la côte atlantique et font halte à Bordeaux pour quatre jours de ciné en veux-tu en voilà. De quoi en prendre plein les mirettes et embrasser toutes les cinéphilies ; fondus de genre débridé, apôtres du classicisme en 35mm, quidams venus se faire une toile au débotté ou nerds des salles obscures, il y en aura pour tout le monde.
Vous doutez d’une telle prouesse oecuménique ? Quelle que soit votre assiduité vis-à-vis du septième art, voyons voir si un bref condensé du programme mirobolant à venir ne vous fera pas monter le palpitant.
Commençons par le parrain officieux de ces Tropicales, deuxièmes du nom : rien de moins que le toujours sémillant Roger Corman (92 ans !). À l’actif du bonhomme, grand mogul de la série B et de l’exploitation bricolée, des centaines de bobines produites et/ou réalisées – dont La Petite Boutique des Horreurs et The Intruder, projetés à l’Utopia. Mais aussi un rôle de mentor pour (attention, la liste est vertigineuse !) Francis Ford Coppola, Scorsese, Hopper, Nicholson, De Niro, Pam Grier, Monte Hellman, Joe Dante, Bodganovitch, Jonathan Demme ou encore James Cameron, soit autant d’inconnus à qui il mit le pied à l’étrier. Sans lui, le cinéma américain, mondial, n’aurait pas tout à fait la même gueule. Un parcours de géant âpre et marginal en partie condensé dans son livre Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime, tout récemment traduit en français. Autant dire que Corman en figure tutélaire (oserais-je dire : « en anchorman » ?) de ce festival, ça fait son petit effet.
Œcuménique, on vous disait ? Alors, ceux dont les cochons-tirelires sonnent un peu creux ne sauraient être laissés de côté. Ça tombe bien : ici, c’est pas comme chez Manu, ils y ont pensé ; des projos gratuites en plein air sont prévues. Et pas pour des panouilles à la Dany Boon, hein ! Plutôt pour du Howard Hawks avec Marilyn (la comédie musicale Les hommes préfèrent les blondes) ou encore le Get Out de Jordan Peele, la dernière sensation du cinéma d’auteur-horreur US.
Et tiens, puisqu’on évoque le cinéma afro-américain, un certain Spike Lee sera également mis à l’honneur pendant ces Tropicales by So Film, et plutôt deux fois qu’une. Tout d’abord, via son classique de 89 Do the Right Thing (lui aussi projeté gratos), un film à voir et à revoir sur les tensions sociales et raciales dans un pâté de maisons à Brooklyn. Puis, avec son dernier né, la comédie policière BlacKkKlansman, qui clôturera les festivités. Mais, avant ça, on aura également pu voir bien d’autres films remarqués sur la Croisette, du dissident russe Leto à l’énigme référencée Under the Silver Lake, en passant par les derniers longs-métrages de Gaspar Noé, de Romain Gavras et d’Hirokazu Kore-Eda (Une affaire de famille, Palme d’Or 2018, qui fera l’ouverture). Le tout en avant-première, ce qui ne gâche rien.
N’allons pas oublier les autres propositions du festival : un ciné-karaoké pour mettre à l’épreuve vos cordes vocales ; des lectures publiques de scenarii ; des cartes blanches diverses ; du Godard, du Ferrara, du Sam Fuller, et même – So Foot et Mondial obligent – le portrait filmique d’un réinventeur du football. Vaste programme. Ce à quoi il faut encore ajouter, en sus, une petite surprise du chef : un film mystère, projeté en présence de son réalisateur, mais dont les noms restent pour l’heure secrets, gardés à triple tour …
Alors, n’est-ce pas un peu d’excitation qui luit dans votre oeil ? Un soupçon d’adrénaline qui pulse dans vos veines ? On vous avait prévenus : ces tropiques-là sont tout sauf tristes.