Autrice d’un essai raffiné sur le réalisateur de « La Grande bouffe », cette historienne du cinéma, Salvadorienne et Parisienne, nous mitonne une orgie « d’astuces » surréalistes capables, peut-être, de « réparer le temps malade ».
« Etant donné un coup de foudre. Ou, ce qui lui ressemble étonnamment, l’apocalypse – révélation, fin du monde, début d’un autre… » Pour Marco Ferreri – le cinéma ne sert à rien, son premier livre publié en janvier aux éditions Capricci, Gabriela Trujillo a enquêté, de Paris à Bologne, de Turin à Barcelone, de la Calabre à Berlin, pour documenter « l’amour de conjurés » que vouent certains spectateurs « ravis ou traumatisés » au metteur en scène italien de Dillinger est mort (1969), La Grande bouffe (1973) ou des Contes de la folie ordinaire (1981).
D’après cette rigoureuse et très spirituelle historienne du cinéma, qui collabore depuis de nombreuses années avec la Cinémathèque française, Marco Ferreri « s’évertue à inventer pour chaque film, une dystopie en forme d’utopie. Ses films poussent jusqu’à des conséquences absurdes une idée initiale (…) : un homme pose une unique question à laquelle personne ne veut ou ne peut répondre ; une femme veut constituer son harem ; le dernier couple sur terre réapprend à vivre (…). » Minute, papillon : ne s’agit-il pas, presque au pied de la lettre, du principe fondateur de ce podcast ?
D’où l’envie spontanée de proposer à cette Salvadorienne installée à Paris, amatrice éclairée des logiques pataphysiques d’Alfred Jarry, de grimper sur le pont de notre Arche. Et la voici qui mitonne une orgie « d’astuces » surréalistes capables, peut-être, de « réparer le temps malade » ou, plus modestement, de nous « désarçonner », selon l’hypothèse formulée en préambule de son bel essai rose au sujet de la « fonction » du cinéma, si celui-ci « sert » à quelque chose, question que se posa Ferreri un matin de chaude déprime. Avertissement : le film sonore qui va suivre contient un « parapente enjambe-chagrin », un « fantasmodrome » ou encore une « montagne de poche ». En toute logique onirique, le premier roman de Gabriela Trujillo, à paraître en septembre aux éditions Verticales, s’intitule L’Invention de Louvette.
Image : Rêve de singe, de Marco Ferreri (1977).