Ce dessinateur et berger alpin envoie paître le capitalisme en rêvant d’une « grève générale », qui réorganiserait la France
en fédération de ZAD selon des principes « d’harmonie et de justice » empruntés aux nations amérindiennes.
C’est un ogre énorme, gigantesque et cyclopéen, aux dents pointues, qui parcourt en slip les plaines d’un royaume de petits bonhommes qu’il dévore sur son passage avec avidité. C’est aussi et surtout le terrible « vilain » d’une bande dessinée de Stanislas Moussé, Le Fils du roi, publiée en novembre dernier aux éditions Le Tripode. Suite directe de Longue vie (2020), l’album, entièrement muet, en noir et blanc, minutieux et fourmillant de détails, strié de traits hachés, rythmé de carnages, de planches gargantuesques et de gags presque burlesques, suit la tentative d’un micro-chevalier (cyclope, lui aussi) pour débarrasser sa contrée héroïque fantaisiste du monstre sanguinaire. Il y parviendra, grâce à son courage, avec l’aide d’une ermite fumeuse de pipe, qui lui enseigne les travaux de la ferme.
Originaire de la région nantaise, installé en famille dans le massif alpin des Bauges où il est également berger, Stanislas Moussé a rouvert pour L’Arche de Nova son exemplaire d’Une histoire populaire des Etats-Unis, le best-seller du politologue américain Howard Zinn (National Book Ward, 1980), qui va de la « découverte » du continent par Christophe Colomb jusqu’à la « guerre contre le terrorisme » post-11-Septembre. Au début, Zinn décrit le fonctionnement de certaines sociétés indigènes, parmi lesquelles la nation iroquoise, en citant son confrère Gary B. Nash : « Nulle loi ni ordonnance, ni shérifs ni gendarmes ni juges ni jurys ni cours de justice ni prisons – tout ce qui compose l’appareil autoritaire des sociétés européennes –, rien de tout cela n’existait dans les forêts du Nord-Est américain avant l’arrivée des Européens. Pourtant, les limites du comportement acceptable y étaient clairement déterminées. (…) Celui qui volait de la nourriture ou se conduisait lâchement au combat était couvert de honte par son peuple et mis à l’écart de la communauté jusqu’à ce qu’il eût expié sa faute par ses actes et apporté la preuve, à la plus grande satisfaction de ses congénères, qu’il s’était moralement purifié de lui-même. »
Inspiré, Moussé rêve alors d’une « grève générale », qui réorganiserait la France en fédération de ZAD anarchistes, selon ces principes « d’harmonie et de justice ». Hugh !
Pour découvrir Le Fils du roi de Stanislas Moussé, c’est ici : https://le-tripode.net/livre/stanislas-mousse/le-fils-du-roi
Image : Little Big Man, d’Arthur Penn (1970).