C’est drôle, c’est fou, c’est pour tout le monde.
© 2016 MELODIE DAUMAS Tous droits réservés.
Ceux qui habitent à proximité de la mairie du Xé arrondissement à Paris ont peut-être eu des frayeurs ce week-end en entendant l’explosion de nombreux pétards, des cris, des jets intempestifs de laitues et le départ d »une fumée rouge depuis le conservatoire situé rue Pierre Bullet.
Si la curiosité l’a emporté sur la petite frayeur, et qu’ils ont poussé la porte -ouverte- de la cour du conservatoire Hector Berlioz, ils ont pu découvrir huit comédiens courir entre les allées, passer des têtes aux fenêtres du 1er et 2nd étage, monter et descendre des escaliers, changer de tenue en moins de trois minutes … et un public assis dehors, de part et d’autre de l’allée, surtout, un public hilare.
Ces huit comédiens font partie du collectif 49 701 -un nom impossible à retenir- et la pièce montée-montrée ce week-end là à un public hétérogène qui n’a pas senti deux heures passer, c’était les épisodes 4,5 et 6 de la saison 2 des Trois Mousquetaires-La série, le roman de Dumas revisité par les trois auteurs . Un spectacle monté comme une série, oui, avec générique chanté à la bouche et « précédement dans… », mais aussi comme un feuilleton littéraire du XIXe siècle – ce qui est après tout la forme originelle du roman d’Alexandre Dumas
Les deux metteurs en scène, Jade Herbulot & Clara Hédouin, que le quidam curieux pouvait voir cachées derrière le public,en train mimer du bout des lèvres tous les dialogues de tous les comédiens, sont deux jeunes comédiennes-auteur-metteur-en-scène avec un parcours déjà impressionnant. Vu leurs antécédents (l’ENS Lyon, le Conservatoire nationale …), on aurait pu s’attendre à une pièce un peu éliste, intello, un truc pas à la portée de tous, brillant mais prétentieux.
Le texte, la pièce, tous les comédiens, c’est effectivement brillant. Pour le reste, c’est exactement tout le contraire. On a pas vu une telle volonté de faire du théâtre vraiment populaire, dans le meilleur sens du terme, depuis longtemps.
Pour commencer, et c’est l’un des principes phares du collectif, La pièce se passe en exterieur, dans la ville, et tous les éléments de l’espace public – y compris le public lui-même- sont utilisés, ensuite et ceci n’est pas anodin quand on fait du théâtre pour tout le monde, c’est complètement gratuit et on y sert de la bière à 1,50 euros (et des cookies aussi) qu’on peut boire en rigolant devant les comédiens qui courent, crient, et parfois vous parle directement -en aparté- ce qui n’est pas tout à fait possible à la comédie Française.
Et puis, comme l »indique le mot rigoler, c’est drôle, très drôle, le texte aide (petite mention spéciale à l’utilisation du mot water pour dire toilettes, peu entendu depuis 1997) et les comédiens font le reste. On a là un grand maître des accents, un roi Louis XIII qu’ on aimerait avoir chez soi pour rire dès qu’on a envie, deux comédiennes (Eleonore Arnaud & Kristina Chaumont) qui peuvent tout jouer -du flic concon, à la présentatrice télé, à la mère éplorée, au duc de la Trémouilles, à la reine desespérée, tout je vous dis, et quatre autre comédiens que la peur que vous ne finissiez pas l’article m’empêche de citer mais qui en méritent autant.
La pièce est fidèle au roman, mais les auteurs y ont glissé des intermèdes, comme cette scène de critique de la pièce dans la pièce, où l’on fustige la pensée straight comme on applaudit la noblesse d’Athos, et des références claires à l’actualité, qui encre vraiment le public chez lui. A la fois dans l’espace public, qui lui appartient finalement, et dans la pièce de théâtre.
Bref un théâtre finalement presque politique dans sa volonté de s’adresser à tous de manière drôle et brillante dans des espaces ouverts, institutionnels, qui deviennent des terrains de jeux.
Les prochains épisodes auront lieu le 11 et 12 juin prochain aux écuries à Versailles, oui madame. Il va sans dire qu’on vous conseille d’y aller.