Au XXIe siècle, l’un des derniers romantiques.
Présenté au comte-gouttes depuis quelques semaines (via « Radio Silence », My Willing Heart » ou « Timeless »), et définitivement annoncé hier sur la BBC, le producteur et crooner soûl pleureur James Blake dévoile son 3e album The Colour In Anything, trois ans après Overgrown, objet discographique détenteur du très classieux Mercury Prize.
Évidemment cafardeux et dominé, c’est l’usage, par le chant lamenté et lacrymal du londonien, le grand architecte et grand bidouilleur Blake bâtit ici une nouvelle cathédrale grandiose élevée à la gloire de cette « Modern Soul » (aucun terme ne saurait mieux définir son œuvre que la dénomination donnée au 15e titre de cet album) pesante et magnifique (les idées de beauté et de tristesse paraissent décidément souvent être liées), qui confirme son statut d’indéniable auteur romantique (dans le sens littéraire du terme, et dans l’autre) du XXIe siècle. Album qui terrasse, et qui ramasse immédiatement.
Quelques longueurs (un disque d’1h16 en 2016, c’est présomptueux), mais quelques grandeurs surtout, à l’image de ce « Timeless » forcément douloureux, de ce « I Hope my Life » addictif aux accroches quasiment pop, et aussi, de ce « I Need A Forest Fire », collaboration au sommet entre deux des plus grands soûl men du nouveau millénaire (James Blake et Bon Iver donc) dont la curieuse coïncidence avec l’actualité (une forêt est effectivement en phase d’embrasement massif au Canada…) n’enlèvera naturellement rien à sa pureté et à son indéniable charme.
Autre collaboration annoncée, bien qu’invisible (pas de traces en effet de sa voix), celle de Frank Ocean à la coproduction sur « Always », qui confirme l’attrait décidément décisif du londonien pour la scène rap-R&B américaine, lui que l’on a déjà vu poser sur le dernier album de Beyoncé, et dont se souvient, bien sûr, qu’il avait même été jusqu’à partager une coloc à L.A. avec Chance The Rapper en 2014.
Des couleurs après l’écoute de ce The Colour In Anything, malgré la tonalité globale qui n’évoque pas franchement l’arc-en-ciel, on aura le temps d’en reprendre un peu d’ici l’apparition (très très attendue) du Londonien au We Love Green, un festival pour lequel, comble du hasard, on vous fait justement gagner des places par ici.