Ce matin, je remonte le temps. Ce matin je reviens sur le meurtre d’Ibrahim Ali, à quelques jours du 26ème anniversaire du meurtre de ce jeune marseillais, abattu d’une balle dans le dos par un militant du front national, le 21 février 1995.
26 ans que des Marseillais attendaient ça ! 26 ans que des Marseillais demandaient, espéraient une rue Ibrahim Ali. Je dis bien des Marseillais. Je ne dis pas tous les Marseillais,
Cette ville à jamais la première, n’est exemplaire en rien, croyez-moi, il suffit de l’arpenter pour s’en convaincre. Pour savoir qu’ici ce n’est pas mieux qu’ailleurs et parfois pire. Qu’ici dans cette ville ouverte à tous les vents, le racisme existe aussi ; qu’ici le racisme a même tué.
Dimanche prochain, cela fera 26 ans que des Marseillais qui n’ont jamais admis qu’un minot qui court vers son salut à l’heure des derniers bus, soit abattu par un colleur d’affiche d’un parti qui a beau relooker son blaze, garde un n et la haine viscéralement ancrés en lui, 26 ans que des Marseillais attendaient que la municipalité reconnaisse son fils fauché en pleine course comme elle le fit à juste titre pour d’autres.
Pourtant dès 1997, la mairie du 8ème secteur, dirigée alors par le communiste Guy Hermier, s’était prononcée pour accoler le nom de ce Marseillais d’origine comorienne à celui de l’avenue des Aygalades. Un souhait jamais entériné par la mairie centrale dirigé jusqu’en juillet dernier par Jean-Claude Gaudin. Pour le vieux maire et son équipe, le nom d’un rond-point suffisait, un nom de rond-point attribué en 2001 sans même que la famille en soit avertie. Une famille qui l’apprendra par hasard quelques mois plus tard. Un nom de rond-point où personne n’habite et n’habitera jamais.
Un nom de rond-point et pourquoi pas celui d’un cul-de-sac ?
Bien sûr, ce n’est pas le seul écueil auquel Marseille est confronté, bien sûr cela ne dessine pas les lignes d’une politique économique ni même celle d’un futur écologique, mais cela raconte en filigrane comment dans une ville, la deuxième ville de France et la plus ancienne à la fois, une ville où vivent des humains qui ont des attaches au quatre coins du monde, tous peuvent désormais se sentir même au plus profond de leur malheur comme dans les moments de joie intense, d’une ville qui est la leur aussi, voire d’un pays ; qu’il n’y a pas de devoirs sans droits, puisqu’il n’y a pas de droits sans devoirs comme on ne cesse de répéter.
Dimanche 21 février, ces marseillais amis d’Ibrahim Ali, de sa famille ou juste personne révoltées par ce meurtre se retrouveront comme chaque année, avenue des Aygalades, Avenue des Aygalades – Ibrahim Ali.