Une start-up française mise sur l’intuition plutôt que sur la rigidité du solfège.
Si malgré les cours de solfège (que l’on doit désormais appeler Formation Musicale), vous n’avez pas renoncé à votre carrière dans la musique, vous êtes officiellement un champion. On l’admet tous, avec parfois un brin de mauvaise foi, mais l’enseignement musical en France est réputé pour sa rigidité et son aspect bien trop théorique : 80 % de la population française arrête la pratique d’un instrument de musique avant l’âge de 15 ans selon Le Monde.
Une start-up française, Meludia, aimerait faire évoluer cet enseignement qui en décourage et exclut plus d’un en défendant une pédagogie qui passerait par l’immersion, l’écoute et l’intuition de la musique. Une méthode qui séduit : après avoir remporté la médaille d’or du concours Lépine en 2014, Meludia vient d’être sélectionnée par l’IRMA (Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles) pour intégrer son enquête des 250 start-up émergentes dans la musique, présentée vendredi dernier (le 3 juin) au Marché international du disque et de l’édition musicale (Midem) qui se déroulait à Cannes.
Né en 2013, Meludia propose sur le web (et bientôt sur mobile) 600 exercices d’écoute interactive répartis selon quatre parcours indépendants – Découverte, Intermédiaire, Avancé et Expert- à destination des particuliers et des institutions. Il est question d’identifier les rythmes, les motifs sonores, ou la différence entre accords majeurs et mineurs par exemple. En revanche, pas la moindre trace de notes, de clés de sol, ou de dièses. Le site se vante de permettre « les bénéfices de dix ans de solfège en seulement un an de Meludia« , sachant que l’enseignement est payant – il faut compter 4,99 € par mois pour un an d’accès. Une démo gratuite est cependant disponible sur le site.
La genèse du projet naît de la rencontre de deux hommes, Bastien Sannac, son actuel président, qui a arrêté le piano à dix ans après s’être heurté à la rigidité du système, et Vincent Chaintrier, qui fût son professeur quelques années plus tard. Dirigé vers lui pour approfondir ses compositions, Vincent Chaintrier est à l’origine de la méthode de Meludia. Il s’inscrit en contradiction avec les méthodes du solfège, à qui déjà dans les années 1970, on reprochait d’être une forme trop abstraite de la musique et qui participait à cloisonner théorie et pratique. Un enseignement qui n’existe pas en Angleterre par exemple.
En tant que professeur et fin pédagogue, Vincent Chaintrier insistait sur la capacité de chacun à penser un son, plutôt qu’à l’écrire. Il part du constat que lorsqu’un enfant apprend une langue, il baigne dedans avant d’apprendre à l’écrire et à en connaître la grammaire. Meluda veut appliquer le même schéma à la musique : s’immerger dans la musique avant de l’apprendre théoriquement. Cette méthode, baptisée SEMA – pour Sensations Emotions Mémoire Analyse, est le fruit de 25 ans d’enseignement auprès de 3000 musiciens. Pour autant, Meludia n’apprend pas à jouer d’un instrument. La start-up veut être un complément de l’enseignement déjà existant, mais elle ne veut pas le remplacer.
Cependant, cette initative est pour le moment clairement dirigée vers l’étranger : au mois de juin 2014, la start-up a levé 500 000 euros pour un développement international. Le programme a été offert à 1,3 million d’Estoniens en décembre dernier, et depuis février 2016, 450 000 Maltais peuvent bénéficier de l’enseignement dans des écoles, des prisons ou des hôpitaux – à ce sujet, allez lire le reportage réalisé par Libération. Pour ce qui est de la France, l’emballement reste timide, et avec ses tutoriaux uniquement en anglais, il semble que les pays anglo-saxons soient principalement visés. Ainsi, en 2014, 25% des utilisateurs de Meludia se trouvaient à l’étranger, principalement aux Etats-Unis.
Ce qui est certain, c’est qu’apprendre la musique en déchiffrant des partitions est une méthode considérée comme peu efficace. En tout cas à l’étranger : l’an dernier, le chef d’orchestre suédois Jan Risberg a réussi à apprendre à des enfants âgés de 2 à 5 ans le Gymnopédie No1 d’Erik Satie en seulement cinq semaines. Un défi rendu possible puisqu’au lieu de parler de notes, il faisait références à des mots que les enfants connaissaient bien. Parlez de donuts au lieu de noire blanche noire, et voilà qu’ils joueront Mozart.