Auteur d’un bref album de spleen électronique, le réalisateur de ce podcast détourne son propre navire pour faire l’éloge de l’échec à tous les étages de la société, quand nous pourrons « valoriser les retards, les copies blanches, le bégaiement, la timidité ». Ce n’est pas très pro ? Parfait !
« On a les mains vides, la tête dure. » Sur Enfants perdus, l’un des six tracks vaporeux de son album intitulé Les Funambules sorti début février, Floyd Shakim décrit l’errance d’une poignée de jeunes gens qui « marchent à tâtons, se concertent, survolent des ruines et se démerdent ». Ses mômes sont « toujours déçus » par les adultes, dans ce monde où, dit-il, « même quand t’as gagné, t’as perdu ». Solutions possibles, pas tout à fait raccord avec les idéaux de la start-up nation : « Au pire on fait rien (…) Au pire on s’exile. »
Clarifions fissa l’identité de ce Parisien de 31 ans. Il s’agit du réalisateur sonore de L’Arche de Nova, planqué derrière son alter-ego musical, qui chante, écrit, compose et produit l’intégralité de cet EP de spleen électronique dont les héros fuient « les fous, les coups, les fauves », confectionné entre « les monts brumeux de l’Ardèche » et un studio déconnecté et non-meublé de Seine-Saint-Denis surnommé « le monastère », visiblement propice à l’éclosion de climats dépouillés ayant retenu quelques leçons de King Krule, James Blake et Frank Ocean.
Détournant poliment notre navire utopique, Floyd Shakim poursuit son ode aux « châteaux de sable » à travers cet éloge de l’échec à tous les étages de la société, de l’école primaire au sommet de l’Etat. Dans son futur désirable, nous pourrons « paraître le moins professionnel possible, ajuster les salaires en fonction du degré de médiocrité, mal préparer les rendez-vous, valoriser les retards, les copies blanches, le bégaiement, la timidité ». Caramba, encore raté : c’est très réussi.
Pour voir le clip champêtre et camisolé de Chambre noire, c’est ici : https://www.nova.fr/news/floyd-shakim-entre-reve-et-cauchemar-sur-son-prochain-ep-79126-15-12-2020/
Texte, musiques, réalisation : Mathieu Boudon.
Image : Les Malheurs d’Alfred, de Pierre Richard (1972).