Le premier album d’un Équatorien qui relie le nouveau et l’ancien.
La semaine dernière, on découvrait via une production vidéo du label argentin ZZK Records (NuLatAm Sound, via ZZK Films), le hip hop, qui tend tout de même souvent vers la pop, de l’Équatorien Mateo Kingman, l’un des protagonistes centraux de ce petit documentaire (que l’on vous recommande chaudement), et qui vient justement de faire paraître son premier album, le très sensoriel Respira, chez AYA Records, sous-division de ZZK. Un an après Nicolá Cruz, de nouveau, la manifestation de la formidable vitalité de la scène indé équatorienne.
Dans la vidéo en question, le producteur, qui chante également sur chacun de ses morceaux, expliquait les liens intimes qui lient depuis quelques années la scène indé équatorienne aux tribus séculaires de la forêt amazoniennes, elle qui profite des formidables possibilités offertes par le monde moderne pour rendre hommage, à leur manière, à ces chants, qui distinguent le sacré et le profane dans le fond mais jamais tellement dans la forme, et qui continuent à être entonnés au milieu de la verdure épaisse et sauvage de la plus vaste épaisse du continent.
Et ce disque, il en est une illustration idéale, de cette rencontre providentielle. Parce que Mateo, destin pas banal, y a grandi, dans cette forêt. Non pas à la manière de L’Enfant Sauvage de Truffaut ou à celle de celui de Kipling / Disney, mais quand même. Il y a suivi ses parents à l’âge de 5 ans (parce que ce n’est pas tellement l’âge où l’on peut décider de grand-chose), d’anciens guérilleros gauchos débarqués dans le coin afin de vivre aux côtés des Shuars, l’un des peuples amérindiens les plus importants et les plus anciens de la région. Le profond métissage, dès le plus jeune âge.
Plus tard, sa famille et lui joindront Quito, la capitale équatorienne, un changement d’environnement et d’interlocuteurs forcément conséquent et pas étranger, on s’en doute, à l’identité de cet album à lire autant comme le parcours de vie d’un individu que comme celui d’une nation, confrontée à la problématique de la gestion de la tradition, encore prégnante, au sein d’un pays en voie de modernisation forcément ascendante. On y retrouve ainsi un mix entre la verdure d’hier (les samples organiques, issus de l’Amazonie) et le béton d’aujourd’hui (le hip hop, la cumbia, la pop, le rock, l’électro planante…), et une ode spirituelle à ce pays chéri véhiculée par quelques petits tubes en puissance (« Sendero del Monde », « Lluvia », « Respira ») et par un flow tantôt fasciné, tantôt préoccupé, toujours résolument optimiste.
Un disque, on le disait, que l’on devra bien mettre en relation, parce que les ambitions concordent et parce que les personnes qui en sont à l’origine convergent, avec le premier album d’un autre équatorien, Nicolá Cruz,, lui qui a sorti l’an passé le fascinant Prender El Alma (récemment remixé), lui aussi orienté vers la valorisation de sonorités anciennes par le biais d’une electronica anthropologique, qui rend hommages aux anciens et fait bouger les corps des contemporains. Au pied de la Cordillère des Andes, le renouveau.
Mateo Kingman, Respira, 2016, AYA Records, 40 min.