« Guitariste de plage » et bourlingueur inlassable, ce musicien parisiano-toulousain rêve en grandes pompes d’un « Service Migratoire Universel », qui enverra « chaque personne de 18 ans se démerdouiller 333 jours dans une province ou une tribu choisie au hasard ».
« Toi l’Auvergnat, qui fut un jour si aimable ; ouvre la porte, je t’en supplie, on a vécu tous les supplices, on veut juste sortir de la merde, on a voyagé dans la pisse, donne-moi le vert de ton herbe, pas le bleu de la police, qui nous repousse dans la mer en criant patrie et justice. » Printemps 2019 : sur Ouvre la porte, chanson-titre de son deuxième album enregistré entre Bogota, Mazunte et Ouagadougou, El Gato Negro se demande ce qu’est devenue l’idée d’entraide, en France, jadis incarnée par la figure de « l’Auvergnat » immortalisée par Brassens en 1954, dont il reçut « du feu » et « quatre bouts de bois » alors que Georges n’avait rien pour se réchauffer. « Elle est à toi cette chanson, toi l’Auvergnat mauvais garçon », serine à notre époque le noir matou musicien, qui promène ses moustaches et sa nonchalance sur les gouttières de Ménilmontant. Dans le clip, deux migrants africains, Moussa et Kouamé, acceptèrent de rejouer les premières heures de leur arrivée sur les côtes européennes. L’Hexagone tend l’oreille, pas bien fier : « Ta politique du repli qui voudrait noyer le poisson. Pas le bon papier, contrefaçon, contre le mur de toute façon. »
« Guitariste de plage », bourlingueur inlassable du continent sud-américain (en bus, à pied, en stop, en bateau), El Gato Negro – qui se nomme en réalité Axel Matrod, originaire de Toulouse, mais chut ! – a récemment vu son album remixé par des complices aussi Nova-compatibles que David Walters ou le tandem DjeuhDjoah & Lieutenant Nicholson. Résultat : sa « pop subtropicale », comme il dit, spontanément tissée de cumbia, salsa, paso, soukouss, cha-cha ou boléro, ici brodée de nappes électros ou de boucles finement cadencées, sonne un peu comme un petit-cousin tapageur de Quantic.
Alors qu’il s’apprête à s’envoler pour La Havane (en mai) puis Bamako (en octobre) afin d’y enregistrer son troisième album sous la houlette du généreux Guts, en compagnie de musiciens locaux et d’épées du groove telles que Cyril Atef, Pat Kallah ou de nouveau David Walters, le tout pour parler « des fleurs qui poussent dans le chaos actuel » (sortie prévue en février 2022, sur le label Heavenly Sweetness), El Gato Negro rêve en grandes pompes d’un « Service Migratoire Universel », qui enverra « chaque personne de 18 ans se démerdouiller 333 jours dans une province ou une tribu choisie au hasard ». Une façon d’ébaucher une société « qui sait se mettre dans les sabots de l’autre », en initiant ainsi les jeunes générations à « l’empathie, le partage et l’équité ».
Pour écouter les remix de l’album Ouvre la porte, c’est ici : https://www.youtube.com/watch?v=laiyIiXaH0I&list=PL7GOgY1c8RKXCRvV1TpOZUteITb3tuQmS&index=2&ab_channel=ElGatoNegro
Un rêve écrit, réalisé et interprété par El Gato Negro.
Image : Terrible jungle, de David Caviglioli et Hugo Benamozig (2020).