La playlist des premiers low riders.
L’East Side Story en 118 morceaux. Un hommage aux 12 volumes de cette compilation de soul et de doo wop créée par un certain Mr. B dans les années 70, qui est devenue l’un des étendards de la « culture chicano », avec une playlist qui fait « whooo », « haaa ».
C’est en 1978 que le premier volume de la compilation East Side Story se fait entendre. Mr B, un aficionado d’« oldies » – une vaste catégorie comprenant avant tout des morceaux sortis entre 1950 et 1970 – se consacre à ce projet jusqu’au début des années 80, sans imaginer qu’il deviendra une icône culturelle pour la « communauté chicano ». Le magazine WaxPoetics lui rend hommage avec une playlist en 118 morceaux empruntés aux douze volumes de la compilation, disposés selon leur ordre d’apparition sur les albums :
« La musique de ce moment où on s’est véritablement trouvé »
Cette playlist, qui ne reprend que partiellement le contenu des albums – certains morceaux restant introuvables – réunit des divas soul, de Barbara Mason à Linda Jones en passant par Carla Thomas sur Gee Whiz, Look At His Eyes. Des classiques du style doo-wop aussi – un sous-genre du rythm and blues – avec In The Still of the Night des Fives Satins, ou encore Earth Angel de The Penguins.
Dans les années 70, les Latino-Américains s’approprient ces morceaux, et les intègrent à leur identité culturelle comme l’explique l’un d’entre eux à UTNE : « C’était la musique de ce moment où on s’est véritablement trouvé : la manière dont on parle, la manière dont on s’habille, les voitures que l’on conduit, et la musique que l’on écoute. La tradition est très importante pour les Chicanos ».
« Mouvement chicano »
Le terme « chicano » apparaît dans les années 50. Les Latino-Américains installés aux Etats-Unis préfèrent cette appellation à celle d’« immigrants » ou d’« étrangers ». Dix ans plus tard, ils luttent encore contre la discrimination, pour la reconnaissance de leurs droits, et tentent de constituer leur propre culture. On parle alors du « mouvement chicano ». C’est au cours de cette quête de reconnaissance et de repères culturels que la compilation East Side Story intervient.
Son créateur, Mr B, est né à Los Angeles. Dans l’émission Lowrider Sundays sur la radio RPDB, il revient sur les prémices du projet : « J’ai commencé à collecter des morceaux de doo wop et de musique soul à l’âge de 18 ans. » Comme son père, il se met à vendre des disques dans les années 60. « J’ai compris qu’il y avait un marché important autour des oldies.» Ce marché, il a appris à le connaître pendant des années avant de compiler les plus grands succès du genre.
Lowriding
Dans les années 70, le « mouvement chicano » s’exprime de plusieurs manières. Avant tout par un attachement particulier aux vieilles voitures clinquantes. Des « low riders » qui ont la particularité d’avoir des suspensions qui permettent de rouler à ras de terre. On les retrouve d’ailleurs sur les pochettes des différents volumes de la compilation East Side Story.
Car c’est bel et bien la communauté américano-mexicaine qui lance le phénomène du lowriding dans le sud de la Californie, et ce dès la fin des années 50. Quarante ans avant que ces voitures n’envahissent les clips G-Funk, de Snoop Dogg à Dr. Dre, un genre où l’immigration « chicano » a aussi su s’illustrer, notamment Cali Life Style, qui pose avec arrogance devant un lowrider prolongeant donc cet héritage culturel.