Lauréat 2020 du Prix de la Page 111, cet écrivain de Châlons-en-Champagne décuple notre espérance de vie, le temps d’une utopie où l’on pourra « guérir de tout » en choisissant le jour de son décès après cent, cinq cents ou mille ans d’existence.
« « Tobias est mort hier. » Augustine et Margot ne réagirent pas. Elles n’avaient jamais été proches de leur arrière-grand-père, dont le grand âge les avait toujours intimidées, aussi gentil fût-il envers elles. Isis, leur marraine, se sentit terriblement vieille, moribonde et seule (…) « Qu’est-ce qu’il est devenu ? », demanda Isis, écrasée de lassitude. « Rien », répondit Timothée. « Il est resté humain, il est juste mort » (…) Timothée avait fini rongé par ses mauvaises décisions, toujours prises malgré lui. La dernière en date concernait la dépouille de son père, qu’il avait donnée aux vautours, comme cela se faisait encore dans certains coins du Tibet. »
Paru en septembre aux éditions Alma, récompensé sur Nova du très convoité Prix de la Page 111, Les Métamorphoses, le second roman de Camille Brunel, se déroule dans un avenir assez proche où une « pandémie de métamorphoses » transforme soudain les humains en bestioles, au hasard. En hyène, en écrevisse, en brebis, en taon. La société toute entière s’en trouve assez naturellement bouleversée.
Mais si les copains et les copines devenaient de glorieux éléphants, hériteraient-ils de leur longévité ? Prendraient-ils le chemin de leur légendaire cimetière pour s’y laisser mourir, comme ces élégants pachydermes ? Pour sa cinquième hypothèse futuriste, cet écrivain de Châlons-en-Champagne, honorant avec panache sa carte blanche d’une durée de 11 mois et 1 semaine sur notre antenne, dit merde à la mort. Admirateur de Lautréamont, auteur d’un Eloge de la baleine à paraître aux éditions Rivages, Camille Brunel, 35 ans, décuple notre espérance de vie le temps d’une utopie où l’on pourra « guérir de tout », en choisissant le jour de sa mort après cent, cinq cents ou mille ans d’existence. « L’euthanasie sera la seule façon de mourir heureux. Les suicides seront extrêmement marginaux – qui préfèrerait s’ouvrir les veines ou se jeter sous un train plutôt que de contacter l’hôpital pour en finir en douceur ? Mais si un gosse ou une ado contacte l’hosto pour en finir, on ne lui refilera pas sa dose de curare comme ça ; on en parlera d’abord, longtemps, beaucoup et bien. Est-ce que tu es sûr de ne pas vouloir rester en vie ? Regarde, tu n’es pas obligé de faire cinq siècles comme tes parents. Essaie au moins d’en faire un seul comme tu le veux toi. »
Réalisation : Mathieu Boudon.
Pour écouter la précédente utopie de Camille Brunel, c’est là : https://www.nova.fr/news/camille-brunel-demain-on-aura-mange-toute-la-viande-133330-16-03-2021/
Image : Cocoon, de Ron Howard (1985).