Label Skydog et punks épars : The french Connection.
Le label Soul Jazz Record, associé à Skydog, sortent une compilation d’une vingtaine de morceaux d’une bonne cuvée française punk originale (1977-80). Ils sont presque tous là, les énervés de la première heure !
Un livret de 40 pages avec photos accompagne les 19 titres : il est fait d’Interviews, principalement Marc Zermati, mais aussi les groupes Marie et les garçons, Metal Urbain, Asphalt Jungle, Henri Flesh… Et tout un historique qui tente de démêler l’aventure punk française, qui démarre bien avant 1976.
Le collectif Bazooka – auquel j’ai participé de 1976 à 1979 – y est souvent mentionné, même si les indications précises que j’ai envoyé sur demande à Stuart Baker n’y figurent pas vraiment. Mais chacun à sa version du punk, et c’est sans doute la preuve de l’appropriation par tous les passionnés de cette histoire.
Je suis ému à l’écoute et à la lecture de cette compile-booklet, car elle me rappelle l’importance que le mouvement punk a eu en France. Nous étions assez nuls en rock. Il y avait 2 ou 3 groupes prog comme Magma et Triangle, et un groupe glam, genre les Frenchies et d’ autres passionnés isolés, mais en gros la « variétoche » régnait comme une chape de plomb et de vide…
Mais nous étions nombreux à adorer le Velvet, les Stooges, le garage et le pub-rock, et comme le dit si bien Zermati – Doctor Z ou le Godfather – nous étions des punk mods, façonnés par les groupes anglais (mods, psyché puis glam et pub) avec un vernis de finition à la crème US (Seeds, MC5, Groovies…) Une bonne base.
Le rock allemand avait frappé depuis Kraftwerk et en 75, la « scène » parisienne était passée des« Beautiful People » façon Ibiza ou Goa, un poil décadent ou rétro, à quelque chose de plus électrique, urbain, noir, tempéré par le Glam Trash des New York Dolls, qui avaient mis tous les agités d’accord.
Adoubés par Alain Pacadis, Yves Adrien et bien d’autres Rock Critics, tous ces enfants perdus de France firent sauter le bouchon de l’imitation minable, et se lancèrent dans ce qui les démangeait tant : le punk-rock.
Bien sûr, une deuxième « British Invasion » avait lieu, mais en France ça démarrait enfin : Stinky Toys, Metal Urbain, Angel Face, Asphalt Jungle, Guilty Razors, Kas Product, Electric Callas, Olivensteins, Dogs…sans complexe !
Plutôt en Anglais, les titres jaillissaient comme des fusées et curieusement le son était en place, la rythmique speed, seules les voix aiguës déraillaient encore un peu, mais les punks français avaient la classe, et la culture : des restes de DADA, de Lettristes, de Situationnistes, appuyaient les inspirations. Nos Rimbaud ,Verlaine, Baudelaire, restaient des stars, nos artistes : Picasso, Matisse survivaient. Un groupe rock s’appelait Man Ray (comme Cocteau Twins…)
Enfin la vraie culture se regroupait dans le rock : Bardot, La Nouvelle Vague, les Romans policiers, les monuments de l’Art plastique revenaient sur pochettes et tee-shirt. Constructivisme, Cubisme, Futurisme…(Michel Esteban sortait les Tee-shirt Collectors, la boutique Survival procurait des vêtements et accessoires industriels, Les Halles devenait un centre punk).
Ce petit monde décidé de branchés pouvait enfin respirer, et aussi apporter de l’oxygène aux autres ! Les maisons de disque affolées étaient prêtes à signer. C’est un miracle si Skydog (le label de Marc Z) put signer et sortir tant de monde. Son avance dans le domaine, avec l’Open Market et les 2 festivals punks de Mont-de-Marsan le plaçait en tête…(puis ce fut Ze Records, Rough Trade…)
Bien d’autres précisions sont dans le livret du disque. Quand aux morceaux, il faut les écouter et perdre l’a priori que les groupes punk étaient inaudibles. C’est faux, la réalité c’est que les oreilles françaises abimées et bouchées ne comprenaient pas cette frénésie et n’arrivaient pas à suivre cette énergie.
Pour ceux qui n’étaient pas là, c’est un document d’archives excellent et pour les autres c’est un moment fiévreux de souvenirs de cet élan si romantique et généreux, une ouverture incroyable sur l’Art, les magazines, la photo, le dessin et l’esthétique en général…Et depuis 40 ans l’establishment pille le punk !
Pourtant les enfants terribles du punk n’y ont presque rien gagné. Les précurseurs trahis et volés, d’autres roulés ou écartés, et avec les oubliés, le champ de bataille est couvert, car ce fut une bombe qui a vraiment ouvert la porte.
Mais comme toujours, ce ne furent pas les précurseurs qui raflèrent la mise, pas plus en France qu’en Angleterre. Ces groupes fusibles firent sauter les plombs d’un Show Biz pantouflard, mais le retour de manivelle ne se fit pas attendre : désordre, bagarres, insuccès, bière et drogue, splits et arnaques… firent le reste.
En tout cas, le punk avait changé pour toujours la face du rock.
Les punks : The French Connexion. The first wave of french punk 1977-80, Soul Jazz Records. Compilation –coffret de 19 titres + livret. Avec : Métal urbain, Guilty Razors, Electric callas, Henri Flesh, Asphalt Jungle, Marie et les garçons, Les Olivenstein, Gazoline, Angel Face, Warm Gun, Dogs, Kas Product, Calcinator, Metal Boys, Fantomes, A3 dans les WC, Charles de Goal… (+ nombreuses photos et pochettes Bazooka dans le livret de 40 pages)
Visuel : (c) DR