Vous venez de pénétrer dans la « Chambre noire » d’un groupe d’outsiders.
Le genre de ceux dont on ne donne a priori pas cher sur la feuille de match. Ceux qui ont pourtant plein de choses pertinentes à dire en bout de table, mais dont on ne prend pas la peine d’écouter. Ceux qu’on laisserait sur le bord de la route à l’image de la pochette de leur quatrième et dernier album, Memento Mori, « souviens-toi que tu vas mourir », maxime médiévale latine chère aux stoïciens pour le moins glauque, mais tellement logique et fatidique. Mais est-ce que nos héros de ce soir n’auraient pas eu l’impression, justement, que ça allait finir ?
N’auraient-ils pas comme une envie de ne plus perdre de temps, de nous livrer le plus de chansons possibles, au cas où certaines et certains d’entre nous les auraient cru déjà morts ? Ne seraient-ils pas déterminés au point même, comme ils l’avouent, d’être capables d’enregistrer sur un haut-parleur de smartphone s’il le fallait ?
Pourtant, depuis plus de dix ans d’existence, ces gars ne sont pas en mode veille, entre projets solos, en duo ou en écriture pour d’autres artistes, quand ce n’est pas pour assurer la première partie sur scène de Blondie. Au moins ça, c’est dit.
Ce groupe, c’est l’histoire de trois mecs (quatre en comptant un ancien membre depuis remplacé) trop insoumis pour entrer dans le cercle, trop loyaux et honnêtes pour être récompensés, trop roublards pour tombé dans le complot, pas assez dans le vent de la mode, pas assez faussement bizarres pour jouer les artistes, bref qu’une certaine formation de rap aurait classé « jamais dans la tendance mais toujours dans la bonne direction ».
Une direction musicale à l’instar de leur production et leur management. Un éloge de la débrouille, de la bricole avec un mix vandale proche de l’artisanat, à la fois ni ni et mi mi. Comprenez ni totalement rock, ni rockabilly, n’en déplaise au nom de leur groupe, ni complètement chanson française. Et mi-clermontois, mi-parisien, avec le franc-parler digne d’une kalach sortie par une équipe de braqueurs de Montreuil, ville d’adoption du chanteur.
Se réserver les morceaux les plus méchants, c’est le mantra, un humour grinçant, un mauvais esprit qui fera rire, réfléchir ou les deux. Après tout, celle où celui qui veut, peut se vexer. Eux continueront de tracer leur route, en passant ce soir par la bretelle de la Chambre noire.