Bob Dylan n’a qu’a bien se tenir.
Connie Converse est une énigme. Si vous ne savez pas qui c’est, c’est normal. Nous non plus. Dans l’Amérique des années 1950, elle a pourtant écrit et enregistré des dizaines de chansons folk alors que le genre n’en était qu’à ses balbutiements. Elle est allée toquer aux portes de toutes les maisons de disques de New York pour accéder à une carrière qui, au vu du succès qu’elle rencontre aujourd’hui, lui revenait amplement. Mais rien.
À l’époque, personne n’est intéressé par cette jeune femme d’une trentaine d’années au look austère et à la voix plutôt classique, mais au charisme et aux talents d’écriture indiscutables. Faute de succès, en 1974, Connie Converse a pris sa voiture, envoyée des lettres d’adieu à ses proches, embarquée toutes ses affaires en vue d’un “nouveau départ” et n’est plus jamais réapparue nulle part.
En France, pour la 1ère fois, Ulyces s’est penché sur la non-carrière de cette artiste de l’ombre. Comme de nombreux magazines américain, le pure-player a tenté de dissiper le mystère qui entoure “la première auteur-compositeur”, comme l’a surnommée la BBC.
Nulle part… sauf sur Spotify
Dans une enquête fouillée, le site relève notamment qu’elle fait un véritable carton sur la plateforme de streaming. Si Connie Converse est encore vivante aujourd’hui, elle a 92 ans. Peut-être sait-elle que la compilation de ses morceaux fait l’objet de plus de 10 000 écoutes tous les mois sur Spotify.
En 2009, un producteur tombé amoureux de ses morceaux décide de produire une compilation, avec de nombreuses cassettes qu’elle avait enregistré pour son frère alors qu’elle tentait de percer. Exhumées du garage fraternel, ces morceaux vont littéralement faire le tour du web. Le succès est porté non seulement par le style très particulier de l’artiste, mais aussi par le mystère qui l’entoure.
Beaucoup aujourd’hui disent que Connie Converse était tout simplement en avance sur son temps. Elle écrivait ses propres paroles, et surtout, elle y parlait d’elle-même, ou de personnages hauts en couleur croisés lors de ses pérégrinations new-yorkaises. Le tout sur un ton lancinant qui fera plus tard, et fait encore aujourd’hui le succès de nombreux chanteurs de folk.
Searching for Connie Converse
Son histoire rappelle évidemment celle de Sixto Rodriguez, le chanteur américain qui avait connu, sans le savoir, un succès extraordinaire en Afrique du Sud, et dont tous ses fans pensaient qu’il était mort.
Mais elle rappelle aussi tout particulièrement celle d’une autre artiste oubliée jusqu’à récemment : la photographe Vivian Maier.
Même personnage à première vue austère mais fascinant. Les deux femmes dévoilent un caractère audacieux mais solitaire, et une intelligence artistique très marquée. Comme Maier et Rodriguez, Connie Converse a eu le droit à son documentaire, réalisé par une doctorante américaine, Andrea Kannes. On apprend par cette dernière, dans un article publié sur Rebeat, que l’artiste était aussi une militante pour les droits des femmes, ainsi qu’une probable adhérente au Parti communiste.
“En avance sur son temps”
S’il est possible que la seconde caractéristique l’ait empêchée d’accéder à une carrière dans l’Amérique MacCarthyiste, on penche plutôt l’hypothèse selon laquelle sa condition de femme ait été un facteur décisif. Surtout lorsqu’on sait qu’en 1961, alors qu’elle quitte New York découragée, un certain Bob Dylan emménage à Greenwich Village. En 2 ans, il aura vite fait d’accéder à la reconnaissance publique.
Alors même si on a le plus grand respect pour Bob, on va quand même terminer sur l’unique album de sa prédécesseure, au talent non moins remarquable.
Visuels : (c) DR