L’histoire d’un pionnier qui ne voulait pas l’être.
Alors que nous apprenons avec une immense tristesse la disparition du « Fantastic Man », William Onyeabor (26/03/1946 – 16/01/2017), il était important de revenir sur l’histoire particulière de ce grand musicien.
L’histoire de William Onyeabor, c’est l’histoire d’un homme qui a passé toute sa vie à côté de son histoire. L’histoire d’un homme qui n’a eu un semblant de reconnaissance à travers le monde que grâce à un disque qui a mis bien trop longtemps à voir le jour.
L’histoire en creux d’activistes de la musique qui se battent pour le rétablissement d’une vérité : William Onyeabor était un musicien incroyablement avant-gardiste. Mais aussi l’histoire d’une vérité dont le héros lui-même ne voulait plus entendre parler. Alors que l’on apprend aujourd’hui sa disparition, plus que jamais la question à se poser est celle-ci : mais qui était William Onyeabor ?
L’avant-gardisme non-assumé
La vie de William Onyeabor pourrait être un magnifique storytelling, un sujet parfait pour un documentaire sur un trésor caché, un « pitch » pour aller démarcher des boîtes de productions. Mais William Onyeabor est surtout un incroyable musicien dont la discographie résonne comme un ordre de mission aux oreilles des labels et des journalistes : celle de la transmettre.
Quitte à être déceptifs d’entrée de jeu, nous préférons vous prévenir, nous n’avons par la réponse à cette question. Les archivistes cherchant à rééditer son œuvre ayant eux-mêmes préféré renoncer à cette question. Après avoir pourtant réussi à retrouver William Onyeabor qui était jusqu’à aujourd’hui enfermé dans un mutisme religieux dans la région d’Enugu, dans le sud du Nigeria, consacrant l’ensemble de son temps à son village dont il était le chef et pasteur.
S’il reste une seule chose de concrète de cet homme aujourd’hui, à l’heure de sa disparition, c’est sa discographie. Huit albums enregistrés par le compositeur et chanteur nigérian entre 1977 et 1985 avant qu’il ne s’évanouisse dans la nature.
Huit albums qui font de William Onyeabor un pionnier d’une musique proto-électronique nigérianne mais qui ne peut pourtant obéir à une restriction géographique tant elle vient de partout et d’ailleurs.
Génie du synthé
Ce qu’il y a de Nigérian dans la musique de William Onyeabor, ce sont des réminiscences de jùjú, cette musique pop dérivée des percussions Yoruba que l’on doit aux pionniers Tunde King et Ojoge Daniel.
Mais ce qui fait que la musique de William Onyeabor est universelle et avant-gardiste, c’est son utilisation du synthétiseur… Cet instrument popularisé dans les années 70 que le musicien s’accapare de façon si particulière, faisant muter un afro-funk en des rythmiques discoïdes lancinantes et éclatées qui feront le succès de la House Music, une musique produite avec les mêmes machines…
Huit albums qui furent aussi le combat d’un label, Luaka Bop, dirigé par David Byrne, et engagé pour la musique depuis 25 ans. Un travail acharné de plusieurs années pour les rééditer, les remasteriser avec finesse et les offrir au monde, pour lui faire mesurer l’importance de ce bricoleur du synthé qu’était William Onyeabor.
Adulé par la marge
Une légende urbaine affirme que pendant un temps, William Onyeabor fut ambassadeur de la marque Moog au Nigéria, une explication de ses apparitions soudaines sur des morceaux ?
L’importance de l’impact de la musique d’Onyeabor s’exprime sans doute du côté de ses ambassadeurs à lui, des ses porte-paroles. Il est ainsi adulé par un grand nombre de musiciens, dont Damon Albarn allant jusqu’à déclarer sur BBC One, que « quiconque composant de la musique en ce moment allait se prendre ses disques de plein fouet ».
Énigmatique au point de refuser d’apparaître sur scène même à l’époque du petit succès qu’il a connu au Nigéria, c’est en 2013 que l’acharnement de Luaka Bop porte ses fruits avec la sortie de sa compilation Who Is William Onyeabor, avec le projet d’enfin amener la musique de William sur scène et de la faire découvrir.
Signe de l’impact de ses compositions, portées par un groove implacable et pourtant méconnues, ce premier disque était accompagné d’une autre release. Un deuxième disque où des artistes comme Dâm-Funk, Devendra Banhart, Caribou, John Talabot et Hot Chip ont retravaillé les compositions d’un homme dont ils respectent l’oeuvre.
Sur scène enfin, une consécration, notamment à la Philarmonie à Paris, où ce fut Damon Albarn, Money Mark, le clavier des Beastie Boys, Kele Okereke (Bloc Party), Alexis Taylor (Hot Chip), Pat Mahoney (batteur de LCD Sound System) ou encore Sinkane qui ont réinterprété en live l’oeuvre du claviériste.
Finalement, l’hommage dont William Onyeabor n’avait rien à faire est peut-être arrivé à temps, au moins pour nous. Il nous a été possible alors de découvrir une discographie antidatée de l’artiste. L’oeuvre d’Onyeabor est donc une histoire qui est une projection en deux temps, entre le passé d’un musicien qui pensait le futur quasiment malgré lui… Un musicien qui ne l’était plus vraiment à la fin de sa vie et qui est sans doute parti avec le sentiment d’un travail accompli pour les siens, pour sa communauté à laquelle il avait tout dévoué, dans le sud de son Nigéria natal.
Ci-dessous un documentaire sur les traces de cet homme énigmatique…
Visuel : (c) DR