Lauréat 2020 du Prix de la Page 111, cet écrivain de Châlons-en-Champagne a lu les travaux de l’éthologue new-yorkais Carl Safina et attend d’arrache-patte notre mutation façon X-Men, quand nous aurons des plumes ou des nageoires.
« Si mutation il y a, elle vient de l’esprit. Du cerveau, naissance du désir. Ce sont les micro-événements électrochimiques qui nous donnent l’impression de penser plus et mieux que les animaux (…) C’est la vanité qui a fait les premières victimes (…) Le retour des animaux a nettoyé le monde comme les arbres absorbent le carbone (…) Pourquoi pensez-vous que Greta Thunberg a fini cachalot au milieu de l’Atlantique ? (…) La honte nous élève, elles nous rend meilleur.e.s (…) Nous nous transformons, aléatoirement (…) Je peux changer de corps, d’espèce, de sexe (…) Si je deviens lionne, vous pourrez vous moquer de moi, car alors je devrais égorger pour vivre (…) Femme ou lionne, je n’apporte rien de plus à l’univers que mouvement et chaleur. »
Paru en septembre aux éditions Alma, récompensé sur Nova du très convoité Prix de la Page 111, Les Métamorphoses, le second roman de Camille Brunel, se déroule dans un avenir assez proche où une pandémie transforme soudain les humains en bestioles, au hasard. En hyène, en écrevisse, en brebis, en taon. La société toute entière s’en trouve assez naturellement bouleversée. « Des dizaines de milliers de grues regagnaient le Sud. Isis n’en avait jamais vu autant, ne pensait même pas qu’une telle concentration d’oiseaux si grands fût possible (…)
– C’est mes oiseaux préférés, s’enthousiasma Augustine. Est-ce que c’est des humains ?
– Oh, probablement, lui répondit sa marraine. »
Pour sa sixième utopie à bord de L’Arche de Nova, ce drôle d’oiseau de Châlons-en-Champagne (Bourgogne), qui publiera bientôt un Éloge de la baleine aux éditions Rivages, a lu les travaux de l’éthologue new-yorkais Carl Safina et attend d’arrache-patte notre mutation façon X-Men. Suite à l’observation des aras rouges du Pérou par ce dernier, Camille Brunel rappelle que « la beauté des humains tient sur un spectre de variations très restreint : la couleur de peau varie, la forme des yeux et du nez, allez, les cheveux, mais ce sont des détails. Du côté des oiseaux, en revanche… la distance sera toujours plus grande d’un albatros à une autruche – ou même d’une tourterelle à un faucon – que d’un Marseillais à un Ouïghour. »
L’auteur des Métamorphoses projette ici son roman dans le réel et rêve pour demain d’hominidés dotés « d’ailes de peau multicolores entre le coude et le bassin », quand d’autres, « capables de modifier la couleur de leur peau en fonction de la lumière, survivront aux canicules », quand d’autres « auront développé des plumes, des yeux immenses, vifs comme des joyaux », ou « douze doigts, qu’ils emploieront pour jouer leurs sérénades au piano », ou développeront encore la capacité « de se boucher les oreilles comme on ferme les yeux – les manchots ont fini par apprendre, pourquoi pas nous ? »
Réalisation : Mathieu Boudon.
Pour écouter la précédente utopie de Camille Brunel, c’est là : https://www.nova.fr/news/camille-brunel-demain-leuthanasie-sera-la-seule-facon-de-mourir-heureux-137806-15-04-2021/
Image : X-Men Apocalypse, de Bryan Singer (2016).