Quand les tous premiers DJ tripotaient de la disco.
Nous sommes en mai 1976 et un disque qui va connaître un impact majeur sur l’industrie du disque s’apprête à voir le jour, il s’agit de Ten Percent de Double Exposure. Ce disque est une des premières sorties du label indépendant new-yorkais Salsoul records. L’Amérique se prend alors de plein fouet le phénomène disco et des clubs ouvraient toutes les semaines. À cette période, le label Salsoul prend la mesure du phénomène de ce qu’il se passe et tend à modeler une identité sonore pour leur catalogue, très fortement inspiré par le son de Philadelphie mais dirigé directement vers les dancefloors new-yorkais.
Des albums comme Salsoul Hustle, Tangerine ou encore You’re just the right size du Salsoul Orchestra emprunte ainsi énormément aux orchestrations mirobolantes de Philadelphie International Records mais y ajoute une touche qui fait leur identité, plus percussive, avec une basse plus profonde, que les DJs dans les Booth New-Yorkais s’arrachent.
Mais parmi ce catalogue, Double Exposure a une histoire particulière, d’abord par son format, un single en 33 tours. Ce format atypique n’était auparavant disponible que pour les DJs sous la forme de copie promotionnelle et pressé sous le comptoir dans quelques magasins spécialisés. Mais ça n’est pas la seule particularité du disque il possède aussi une Face B particulière, une version extended réalisée par Walter Gibbons, le DJ du Galaxy 21 à New York qui s’était construit une réputation de créer des versions exclusives à jouer dans ces sets.
Or en 1976, jamais un DJ n’avait mis les pieds dans un studio d’enregistrement, ces ersatz de musiciens n’étaient alors perçus que comme des jukebox vivants par l’industrie… Walter Gibbons a très longtemps été perçu comme le premier DJ à pénetrer dans l’univers secret des studios d’enregistrement…
Mais cette perception s’ouvre mille fois plus avec la sortie de cette excellente compilation : The Men in the glass Booth, sous la direction de Al Kent, une somme de titres qui sont des re-edits et des remixes par les DJ les plus influents de l’époque disc : Walter Gibbons, Bobby DJ Guttadaro, Tom Savarese, Jellybean Benitez, Tee Scott ou encore John Luongo.
Car finalement les plus grandes stars de la période disco était-ils vraiment Donna Summer, Silver Convention, Brass Construction, Gloria Gaynor, Bohannon, Love Unlimited ? Ou étaient-ce ceux qui les jouaient ? Les DJ dans les clubs étaient en effet devenus ceux qui faisaient et défaisaient les disques, nombreux sont ceux qui revendaient ainsi des disques d’or pour les remercier de leur impact sur les ventes.
Pourtant la doxa ne l’avait pas du tout accepté en 1976. Très rares étaient ceux, qui, comme Tom Moulton écrivaient à ce sujet.
On découvre ainsi au travers cette compilation l’importance de Sunshine Sound, un studio de mastering et de pressage détenu par Frank Tremarco où beaucoup des Dj les plus influents de NYC venaient faire presser leurs vinyles, et Sunshine s’arrogeait même le droit de vendre les meilleurs à d’autres DJs. Certains de ces edits devinrent célèbres au sein de la Grosse Pomme. Pourtant très rares sont ceux qui ont connu une sortie officielle. Et beaucoup ont circulé en circuit fermé, subsistant à travers les années sur des dubplates ou des cassettes. Enfin tous n’étaient pas réellement dignes d’intérêt.
Mais la force de The Men in the Glass Booth au-delà d’un incroyable travail d’historiographie, d’archivages et de recherches, c’est de ne pas tomber dans l’écueil de devenir illisible, et la compilation opte pour la qualité plutôt que la rareté pour la rareté. Si la compilation dispose de son lot de morceaux rares ou inédits, à l’instar du remix de I Just Wanna Say I Love You par la légende du disco de Boston datant de 1974 et qui n’avait jamais connu de sortie officielle.