Suite à l’affaire Théo, on est allé faire parler la police, les habitants, et les victimes.
Le 2 février dernier, Théo L. était contrôlé par la police à la cité des 3 000, dans le quartier de la Rose des vents à Aulnay-sous-bois. Ce qui débute comme un contrôle d’identité tourne mal. Quatre policiers de la BST (Brigade spécialisée de terrain) décident de contrôler Théo qui vient de rejoindre ses amis, car ils les entendent crier à leur passage. Ils en déduisent que les jeunes hommes sont des guetteurs et alertent les dealers du passage de la voiture. Selon les policiers, Théo et ses amis refusent le contrôle. Selon Théo, les agents sont arrivés avec la volonté de les agresser physiquement. Il est pris à parti, ses amis s’enfuient.
Sur une vidéo de la scène, on devine Théo au sol, les quatre policiers sont penchés sur lui. Puis ils le soulèvent et le portent pour l’embarquer. Quelques heures plus tard, il est admis à l’hôpital avec un déchirement de l’anus de 10 centimètres. Dans Envoyé Spécial, Théo racontait récemment le trajet en voiture jusqu’au commissariat, lors duquel il dit avoir reçu des insultes racistes, entre autres humiliations.
Depuis, l’IGPN a inventé l’oxymore “viol accidentel” pour qualifier les faits, et Luc Poignant, représentant du syndicat de police Unité SGP Police a expliqué sur France 5 que l’insulte “bamboula”reste encore “à peu près convenable”.
Ce viol a lieu quelques mois après la mort d’Adama Traoré à Beaumont-sur-Oise à la suite d’une arrestation. Plusieurs rassemblements de soutien et contre les violences policières ont eu lieu à Aulnay, mais aussi à Bobigny, dans une ambiance oscillant entre révolte et émotion.
Donner la parole
Nova a voulu tendre le micro à des habitants d’Aulnay, aux associations, à la police, un avocat, et à une victime de faits similaires. Pour tenter de comprendre, de faire entendre, et d’enrichir un débat nécessaire.
On a commencé par rencontrer des habitants d’Aulnay-Sous-Bois. Des garçons qui pour certains connaissent Théo, et qui racontent que les agressions par la police sont monnaie courante. Mais que “cette fois-ci, c’est médiatisé”.
Avec Hadama Traoré, on a discuté de la vie aux 3 000, des jeunes, et de la police. Pour lui, “les seules zones de non-droit, c’est les commissariats de police”.
Hadama nous a aussi emmené voir son père, un immigré malien qui vit aux 3 000 et observe les révoltes consécutives à cette affaire.
On a rencontré Alexandre, qui a subi les mêmes sévices que Théo, il y a un an et demi. Le 20 février dernier, la justice a requalifié en “viol” les faits qui étaient jusque là considérés comme des “violences”. Il nous racontait les séquelles et la difficulté de continuer à vivre avec ce traumatisme.
On a aussi rencontré Jules, officier de police en banlieue parisienne. Il nous a donné son point de vue sur l’affaire Théo et sa profession :“Je peux pas comprendre que par accident on puisse mettre 10 centimètres de matraque dans l’anus de quelqu’un.”
On a discuté avec Aïssa Sago, Directrice de l’Association des femmes relais et médiateurs interculturels à Aulnay. “Dès que je vois une voiture de police qui passe, je prends mon téléphone pour appeler mes enfants”.
Et puis on est passés voir Maître Slim Ben Achour, un avocat qui a porté plainte au nom de dix-huit adolescents et jeunes adultes pour des violences répétées, dont des agressions sexuelles. “Il y a une perversion qui s’exprime au moment du contrôle. On est pour moi dans un rapport de destruction psychologique.”
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