Une sélection des BD de la saison. Pour tous les goûts et parfois toutes les bourses.
Je vous avais déjà chaudement recommandé la lecture d’Homicide chez Delcourt, adaptation en bande dessinée des récits de police de David Simon (The Wire) par Philippe Squarzoni. Je me souviens, j’avais même fait une vanne sur le nom de l’auteur qui faisait très inspecteur (inspecteur Squarzoni). Bref, je renouvelle mes félicitations (et ma vanne) pour le volume 2 de cette chronique d’un commissariat de Baltimore, forcément réaliste, lente, minutieuse – et désespérante – dont la fluidité narrative reste remarquable, ce qui n’est pas si courant dans l’exercice des adaptations de livres en BD.
On avait dit du bien aussi de « George Clooney » l’absurde machin débile et cheap de Phillippe Valette, tout en ayant conscience des limites de l’exercice, le volume deux était d’ailleurs dispensable. Jean Doux et le mystère de la disquette molle (Delcourt encore), qui pourrait avoir pour pitch : Indiana Jones vs The Office, est tout aussi crétin, absurde, et cheap que George Clooney mais parvient avec son intrigue délirante à vous tenir en haleine, tout en vous faisant rire comme une baleine (je n’ai pas résisté à la rime, désolé) – ce qui n’est là non plus pas un exercice évident.
On avait aussi souligné la collection Sociorama de Lisa Mandel et Yasmine Bouagga (Casterman), et sort en ce mois justement Les Nouvelles de La Jungle, reprise (augmentée) de tous les reportages BD qu’elles ont faîtes dans la (les) jungle(s) de Calais pour Le Monde. Et la encore, tout est question d’équilibre, et c’est tout aussi informatif que drôle, voire absurde tellement les situations vécues sont kafkaïennes. Donc, on retient qu’ici humour + réalité = absurde. On s’échappe comme on peut.
Enfin, on a forcément déjà dit du bien de Christophe Blain, on n’était pas les premiers, on ne sera pas les derniers. Après le succès des Quai D’Orsay, Blain revient avec ce tome 4 à son western « pas comme les autres », Gus chez Dargaud. Le « pas comme les autres » indiquant que c’est toujours du Blain même quand c’est du western. Les personnages, les lieux, les actions sont bien celles du grand ouest, Lucky Luke, pourquoi pas – mais à un autre rythme narratif et graphique, entre underground San Francisco et intimisme à l’européenne. Et vivement le tome 5 déjà annoncé.
En revanche, on avait encore jamais dit de bien de Vincent Cuvelier, Max de Radiguès, Sylvain Runberg ou Victor Santos. Les deux premiers signent La Cire Moderne chez Casterman. Attention graphiquement c’est super amateur, on dirait un dessin de fanzine d’un type de 18 ans en 1982. Néanmoins c’est tout à fait lisible, première qualité d’un auteur bd (et pas si courant dans les fanzines) et, surtout, ce road movie des routes de France se fait avec des personnages exclu de la fiction française (parisienne quoi) : des travellers un peu ravers, un peu fauchés avec leur camionnettes, leur shit et leurs chiens (bon la, il n’y a pas de chiens, mais c’est pour vous donner une idée). Bref, on n’est pas chez, mettons, Dupuy et Berberian, ça change et ce n’est pas inintéressant.
Les deux suivants, Runberg et Santos, sont les auteurs de Sukeban Turbo chez Glénat Comics, du comics, oui mais cent pour cent français (même si l’action elle se situe aux USA), du comics tricolore, pas du Marvel, il n’y a pas de super héros, on serait plutôt proche d’une série Image, matinée d’influence mangas, Akira en premier lieu. Le scénario est ok, on oublie vite mais ça se laisse lire agréablement, c’est surtout notable pour le graphisme très très influencé par le défunt Darwynn Cooke, ce qui est un gage d’efficacité et d’élégance. L’ensemble est à surveiller, pas évident de se distinguer dans le flot des sorties des traductions comics – on aurait d’ailleurs préféré un autre format plus large et plus lisible, quitte à faire du comics à l’européenne.
Voila, d’ici à vos 77 ans, bonne lecture !
Visuel : (c) DR