Découvrir, redécouvrir à travers un roman, le quartier de la Fosse, quartier collé au Vieux-Port de Marseille dont même le nom ne dit plus grand-chose à personne, et s’attacher à la force des personnages, c’est la force de Romance in Marseille, roman de l’auteur américain Claude McKay qui vient de paraître pratiquement 90 ans après qu’il a été écrit.
Marseille, la ville de la tchatche, se raconte par ses auteurs qu’ils s’appellent Blaise Cendrars, Jack London, Jean-Claude Izzo ou Claude McKay. Ce dernier, jamaïcain de par sa naissance et américain pour ce qui est de ses papiers est une des figures du Harlem Renaissance, le mouvement culturel afro-américain de l’entre-deux guerres aux Etats-Unis.
Connu pour Banjo, un roman sans intrigue, qui s’attache à raconter la vie à la Fosse, ce quartier réservé comme on disait à l’époque à Marseille, Claude McKay revient dans toutes bonnes librairies avec Romance in Marseille, traduit de l’anglais et publié par Heliotropismes, une maison d’édition marseillaise, pratiquement 90 ans après son écriture. Je vous passe les détails cocasses de cette parution tardive, de ce jeu de piste, le journaliste, homme de lettres et de musique Armando Coxe qui est au centre de cette fabuleuse aventure, les raconte un à un dans la préface, préférant m’attarder à 7:40 et des poussières sur cette histoire inspirée d’un fait réel, celle d’un passager clandestin découvert lors de sa traversée vers les Etats-Unis, et maintenu durant le reste du voyage dans la salle de refroidissement des moteurs, séjour qui lui vaudra à son arrivée sur la terre promise d’être amputé des deux jambes. Je ne vous divulgâcherai pas les rebondissements, et il y en a, de la vie de cet homme, de ce “Pieds coupés” comme le surnomment ses collègues pour m’attarder sur ce qui fait à mes yeux la modernité de ce roman où chacun des personnages est libre d’être ce qu’il est, Personne n’y est enfermé, limité par une couleur de peau, des origines ou une classe sociale. Bien sûr, toutes ces considérations influent mais ne sont pas déterminantes. Aucune parano identitaire, aucun suprémacisme de quelques couleurs qu’il soit, ne vient entacher leur imaginaire d’hommes et de femmes. Héros libre d’un monde qui ne l’était pas et qui ne l’est toujours pas, les personnages de ce ”Romance in Marseille” traversent les époques sans prendre une ride. Si la Fosse n’existe plus, bombardée par les Allemands à la demande des autorités marseillaises qui concevaient ainsi leur projet d’urbanisme, ses héros, gens de peu, sont toujours l’âme de cette ville populaire entre mer et collines.