Avec Rosemary Myers, entretien autour de l’une des comédies du Printemps.
Fantastic Birthday. Le birthday en question, celui de Greta, une ado australienne qui va avoir quinze ans mais flippe. Tellement qu’elle s’endort le soir de sa fête, et va se retrouver dans son rêve à devoir traverser une forêt peuplée de personnages et créatures étranges. Fantastic Birthday a donc quelque chose d’Alice aux pays des merveilles, mais pas le seul conte. D’ailleurs le titre original, Girl Asleep, référence assez directe à La belle au bois dormant. Indices suffisant pour demander à Rosemary Myers si en fait la meilleure forme pour raconter ce n’était pas le conte, mais aussi si l’adolescence ce n’était pas finalement ça : devoir s’éveiller à soi-même pour devenir adulte.
Les contes de fées nous entourent depuis si longtemps qu’ils sont devenus des lectures métaphoriques en puissance : que ce soit les sorcières qui symbolisent les mères ou ce qu’ils expriment de la peur de l’abandon… Dieu sait que mon scénariste et moi adorons les contes et ce qu’ils racontent des plus profondes peurs de l’enfance, mais il fallait qu’on les ramène sur un terrain plus moderne. Par exemple en leur donnant plus d’adrénaline ou en les faisant parler de dominance masculine.
Oui, on s’est majoritairement inspiré de La belle au bois dormant. D’une part parce qu’on voulait donner une touche d’érotisme, et il y a toujours un peu de ça dans le récit de quelqu’un qui s’abandonne à son monde intérieur, d’autre part parce que quand La belle s’endort, son histoire est racontée du point de vue des autres. On voulait montrer ce qui lui arrive vraiment : qu’est-ce qui fait que quand elle s’endort, c’est une enfant, mais qu’est devenue une femme quand elle se réveille. On est vraiment parti de cet angle-là.
Mais aussi du principe qu’on était comme dans Le magicien d’Oz, ou tout ce qui arrive se passe dans un rêve. C’est un univers qui permet facilement de faire évoluer les personnages. Et puis, dans La belle au bois dormant, il y a cette foret, qui symbolise un endroit dangereux, qu’il faut traverser pour s’accomplir. Quelle meilleure représentation de l’adolescence que cet espace que certains franchissent aisément alors que d’autre vont devoir lutter pour ça ? Enfin, il y avait effectivement l’idée de l’éveil à soi. Dans le film, Greta veut rester une enfant, mais ce n’est pas possible. Elle va devoir devenir adulte. Mais mais j’aime l’idée que cet phase de transition soit à la fois quelque chose d’effrayant mais aussi d’excitant. Bien sûr qu’elle a peur d’en passer par là, mais à l’arrivée, elle le fait de son plein gré. Je crois que c’est une morale très positive.
Fantastic birthday, affres adolescentes. Au départ tiré d’une pièce, elle même partie d’une trilogie, sur les 70’s,80, 90’s. C’est la troisième sur les 70’s mais le style visuel, et partie du charme du film, plus proche de certains cinéastes apparus dans les années 90. Même goût pour le bricolage, le rétro, la poésie artisanale d’un Michel Gondry ou d’un Wes Anderson. Malgré tout le ressort d’un teenage movie, mais forcément à part puisque les films sur les ados essaient généralement d’être dans un univers réaliste alors que là pas du tout.
Ce style est d’abord venu par goût personnel pour ça. Mais après tout, la plupart des histoires et des scénarios sont des fictions, elles viennent de choses inventées. Alors pourquoi devrait-on rester si attaché à une notion de réalité pour les mettre en image ? Il n’y a absolument rien de mal à ça, mais on n’est pas obligé de suivre cette direction, on a tous un imaginaire non ? Qui plus est, on savait avec les pièces de théâtre que le public était prêt à nous suivre dans cette direction, On était donc assez confiant. Evidemment c’était un pari pour un premier film, mais un pari excitant. Puisqu’on conservait à l’écran l’idée d’un récit en temps quasi-réel et une unité de lieu, il était normal de conserver la part d’imaginaire qui est à l’oeuvre au théâtre, la laisser active Un film exprime de toutes façons beaucoup de choses par l’image, ce qui permet de moins se reposer sur le dialogue, parce que le visuel raconte déjà énormément. Même les mouvements de caméra aide à raconter une histoire. Au théâtre il faut se focaliser sur le design sonore ou sur la lumière, mais ça n’aura jamais le même impact que la mise en scène dans un film.
Fantastic Birthday se passe dans les années 70. Autour de Greta, scène clé du film est celle de sa soirée, occasion de faire danser quasiment tous les personnages sur du disco. Disco et cinéma australien ont souvent fait bon ménage. Priscilla, Le mariage de Muriel… Pourquoi le disco ?
Vu d’aujourd’hui, dans une époque où tout est mondialisé, les 70’s paraissent probablement un peu naïves, mais, et j’en parlais encore il y a peu avec un ami, il faut savoir qu’à cette époque, les Australiens avaient très peu de contacts avec les cultures extérieures. Les chansons françaises, comme on en entend quelques-unes dans le film, avaient quelque chose de très exotique pour nous, elles symbolisaient un monde différent du nôtre…. Je ne sais pas si les réalisateurs des autres films dont vous parlez étaient jeunes à l’époque du disco, si oui, cette influence vient peut-être de là. Mais bon, moi, j’adore le disco. C’est la musique qui a illuminé nos enfances, on avait même des écoles de disco en Australie ! Il y a eu d’autres influences musicales collectives comme David Bowie ou Bob Dylan, mais je crois que la disco est vraiment celle avec laquelle tout le monde est en phase.
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