Une rétrospective s’y attache au Centre Pompidou.
Ce Suisse a eu une carrière exemplaire de cinéaste producteur en France. Assistant de Godard pour Les Carabiniers, il crée les films du losange dès 1963 et sans moyens, il lance Paris vu par. Film à sketches avec six courts-métrages d’amis : Jean-Luc Godard, Eric Rohmer, Claude Chabrol, Jean Daniel Pollet, Jean Douchet, Jean Rouch. La Nouvelle vague.
Puis il va produire les premiers films d’Eric Rohmer dont l’inoubliable Collectionneuse. Pour ce film culte, il sera producteur, comptable, électricien, assistant…
Maître de contre-culture
Il continuera de participer à la carrière d’Eric Rohmer, le Marivaux moderne, doublé d’un moraliste au parcours unique. Barbet Schroeder ajoutera à ses productions des pointures comme Jacques Rivette, Jean Eustache, Rainer Fassbinder ou Wim Wenders !
Mais ce sont ses films de contre-culture qui vont le faire connaitre : More en 1969, ou la fuite de deux hippies, de Paris à Formentera puis Ibiza, véritable reportage précis et documentaire, à la fois planant (musique des Pink Floyd) et d’un réalisme cru.
Puis La vallée en 1972, avec entre autres sa femme Bulle Ogier, sorte de voyage initiatique au fond de la Nouvelle-Guinée. Premier film new-age où les mythes et les rêves se mêlent aux difficultés d’une expédition. La Route, version mi-ethnographique mi-psychologique ? La musique des Pink Floyd emporte de nouveau les images des Papous et de la forêt primaire…
Il est le premier à réaliser des films sur l’utopie, mais avec la précision méticuleuse d’un horloger. Il observe les parcours déjantés, mais sans complaisance.
Puis ce sera un documentaire sur « Idi Amin Dada », le tyran ougandais napoléonien, ou Barbet joue sur la fascination que peut exercer un Ubu Roi africain.
Aimant décidément franchir la ligne rouge, il réalise ensuite Maîtresse, avec Bulle Ogier et Depardieu, ou les difficultés de vivre avec une maitresse sado-masochiste ! Là encore : réalisme, précision du détail, et flirte avec notre côté sombre, thème qui se` retrouve dans beaucoup de ses films.
Engagé, aventurier, cool
Appelé aux US, il réalise Barfly, un film sur (et écrit par) Charles Bukowsky, le poète alcoolo, le super beatnick casanier, que la jeunesse underground admire pour sa franchise et son talent à briser les barrières. Barbet Shroeder met sept ans pour décider les studios ! Et double cet exploit avec un documentaire de quatre heures sur l’écrivain (1987).
La volonté de ce réalisateur, documentariste, passionné, hors des sentiers battus, fidèle à la description objective de la contre-culture, aux expérimentations difficiles (on pense à Werner Herzog, comme lui aventurier et professionnel, capable de rêver le monde et de plonger aussi dans les pires difficultés de tournage et d’équipe..) ne peut s’oublier.
Schroeder a marqué une génération par sa force, son talent à « faire » les sujets impossibles ». Il s’est lancé dans des entreprises très variées et toujours « borderline ». Il reste vraiment un modèle de discrétion, malgré ses sujets forts et décalés . Il a pleinement assumé les errances de la contre-culture, et su regarder les marginaux avec une objectivité inattendue.
J’ai toujours admiré cet homme actif, engagé, aventurier, mais « cool ».
Rétrospective intégrale de Barbet Schroeder du 21 avril au 12 juin 2017. Au Centre Georges Pompidou à Paris. Master class le samedi 13 mai. Voir tous les autres films et documents non cités sur le net.
Le coffret Barbet Schroeder, collector et limité, Blu-Ray + DVD, qui sort le 26 avril 2017.
Visuels : (c) The Charles Bukowski Tapes, Barbet Schroeder, 1982, Tournage, DR Film du Losange