À Nantes, cette plasticienne, poétesse et dessinatrice se jette dans les bras « immenses et chaleureux » de l’avenir, après une expiration « dé-sidérante » inspirée par la « puissance de la douceur » chère à la psychanalyste Anne Dufourmantelle.
« La chute / Lente / Le décordé / Le corps / Lentement / Le qui monte plus / Plus dure sera l’ascension / Qui prend fin / La tension / La corde molle / La corde dure / La corde au cou / À la taille / à la taille de qui… » C’était en octobre 2019, aux cafés littéraires de Montélimar. Une randonnée immobile de dix minutes avec la plasticienne, poétesse et dessinatrice nantaise Delphine Bretesché, étirant les motifs escarpés de la triste formule d’Emmanuel Macron, lors de sa première interview télévisuelle post-élection, cimentant son image de président des riches : « Je crois à la cordée, il y a des hommes et des femmes qui réussissent parce qu’ils ont des talents, je veux qu’on les célèbre (…) Si l’on commence à jeter des cailloux sur les premiers de cordée, c’est toute la cordée qui dégringole. »
Formée aux Beaux-Arts de Nantes, l’artiste posait pas à pas, parfois mot à mot, son contre-poème sur le culte de l’ascension. « Corps et corde / Tirée d’où / Tirée vers / Où / L’haut / L’en haut / Que t’auras jamais / Jamais / Autrement / Qu’au-dessous / À voir les culs / Du dessus / Ceux qui grimpent / Les mains / Arrachées / Grimpe / Grimpe / Grimpe / Avec tes dents / Celles qui te restent / Grimpe / Grimpe / Grimpe / T’auras marché sur / Suffisamment / Grimpe / Grimpe / Grimpe / De têtes / Peut-être / Pour imaginer… » Dans les crevasses de ce texte vivifiant paru aux éditions Apocope accompagné des dessins de Clara Djian et Nicolas Leto, il est aussi question de « léchage des culs du dessus », des « miettes aux petits chiens », mais également, ça alors, en contrebas, de « ceux qui s’allient », qui ont quitté l’ascension « depuis longtemps » et qui apprennent à « marcher ensemble ».
Depuis, Delphine a poursuivi son éloge du collectif avec Marseille festin ! (éditions Laskine, 2020), témoignage de cinq semaines de résidence dans la cité phocéenne dans cinq quartiers différents, avec le repas cuisiné puis dévoré en commun comme motif éternel de compréhension, de fraternité et d’harmonie. « Qu’est-ce qui se déplace quand on se déplace ? Qu’est-ce qu’on offre ? Qu’est-ce qu’on reçoit ? Qu’est-ce qui résiste ? Et si la rencontre est une nourriture ? » Ce principe appétissant sera renouvelé dans un ouvrage à paraître, Québec festin !
Grimpant pour la seconde fois à bord de notre Arche, Delphine Bretesché, qui anime aussi depuis deux ans des ateliers d’écriture à la faculté de médecine de Nantes, se jette dans les bras « immenses et chaleureux » de l’avenir après une expiration « dé-sidérante », inspirée par la « puissance de la douceur » chère à la psychanalyste Anne Dufourmantelle, titre d’une « courte méditation » publiée en 2013. Cette dernière écrivait : « La douceur allège la peau, disparaît dans la texture même des choses, de la lumière, du toucher, de l’eau. Elle règne en nous par de minuscules brisures de temps, donne de l’espace, enlève leur poids aux ombres. » Et que ne durent que les moments doux.
Réalisation : Mathieu Boudon.
Pour écouter une autre utopie de Delphine Bretesché, c’est ici : https://www.nova.fr/news/delphine-bretesche-demain-eliminera-le-pourri-la-hache-38963-15-05-2020/
Pour voir Delphine Bresteché performer Premiers de cordée en solo intégral, c’est là : http://tapin2.org/premiers-de-cordee?fbclid=IwAR3ZyjGMCr3LNU83ZlD9DJcaQPl19LmFKcUaa5dBUuWwvnmdPxT63Th5HDQ
Image : Maps To The Stars, de David Cronenberg (2014).