Quand le soleil tape trop fort, l’écran total est souvent une option judicieuse. C’est aussi le cas lorsque ces deux mots ne désignent plus une lotion photoprotectrice mais un festival de ciné « entre toiles et étoiles ». Des avant-premières et du millésimé, du plein-les-mirettes et du trotte-dans-la-caboche, du spé et du rassembleur : cette deuxième édition d’Écran Total porte bien son nom, ne laissant inoccupé aucun recoin du Cinémascope.
Commençons notre laïus d’héraut (« Oyez ! Oyez, braves gens … ») par une claironnante ouverture. Une projection unique, en avant-première. Que dis-je ? Une projection tout bonnement immanquable, sous peine de s’en mordre les doigts jusqu’à la phalange ! Après avoir fini les Cornettos de toutes les couleurs, affirmé une attention maniaque à la synchronisation musique-image dans Baby Driver, le réalisateur anglais Edgar Wright s’est en effet attaché à détailler l’œuvre et l’influence splendides d’un duo pop, intello, exubérant, flamboyant, tout en falsetto et en humour pince-sans-rire : les Sparks.
Encore aujourd’hui, à 70 balais sonnés, les papys Mael en ont sous le capot, comme en témoignent quelques uns de leurs récents morceaux (genre ça ou ça) ou encore le film Annette, comédie musicale de Leos Carax dont ils ont signé le scénario et la bande-originale – leur première incursion au cinéma, après des tentatives infructueuses avec Jacques Tati ou Tim Burton.
C’est donc l’occasion parfaite pour découvrir ou parfaire sa connaissance de ces frangins excentriques, le groupe préféré de vos artistes préférés (soit la définition même d’un groupe culte), qu’il s’agisse de Giorgio Moroder, Beck, Flea, New Order, Weird Al Yankovic ou Todd Rundgren, tous conviés à bavasser sur ce duo rejouant « Scarlatti au RMI (le piano électrique), avec une capacité à rester eux-mêmes en toutes circonstances, vaudeville, glam ou technopop », dixit un autre fan, Bertrand Burgalat, dans les colonnes de Rock & Folk.
« Heartbeat, increasing heartbeat », donc, comme dirait l’autre.
Après ce démarrage pétaradant, la suite saura également accrocher la rétine. Avec tout d’abord, une surprise, un film à l’identité tenue secrète, dont on sait simplement qu’il viendra de la Croisette. Alors, plutôt le Titane de Julia Ducourneau, le Benedetta de Verhoeven, le French Dispatch de Wes Anderson ? Une autre long-métrage ? Faites vos jeux, réponse à l’Utopia le 29 juillet.
Sitôt le générique achevé, les lumières rallumées, vous pourrez prendre le chemin de la Cour Mably pour faire exploser l’Applause-O-Meter. Le Hairspray de John Waters, y sera projeté ; les aventures de Tracy et Penny au pays des shows TV et des concours de miss locaux. Pastiche des bluettes hollywoodiennes des années 50-60, de l’esthétique drugstore de la Camelot era US, ce film gentiment trash, presque grand public (pour du Waters, tout du moins), en remet une couche kitsch sur le rêve américain, tout en sachant pointer, par endroits, ses angles morts, ses évidentes lacunes. Cerises sur ce gâteau à la crème : la B.O, compilation de pépites rhythm’n’blues passées sous les radars, et les apparitions de Rick Ocasek, de Divine (son tout dernier rôle) ou de Debbie Harry perruquée de violet.
Et pour celleux qui voudraient prolonger l’entretien avec le vieux provocateur de Baltimore, l’autobiographie de John Waters a été traduite en français cette année, sous le titre M. Je-Sais-Tout – conseil lecture à la fin de la séance.
Si vous voulez trouver, tel.le un farfadet, le trésor au pied de l’arc-en-ciel, vendredi sera une journée à ne pas louper. Il y a tout d’abord, à l’Utopia, l’Ammonite de Francis Lee, drame amoureux lesbien et intergénérationnel dans l’Angleterre du XIXe siècle, avec Kate Winslet et Saoirse « Lady Bird » Ronan dans les rôles principaux d’amantes maudites.
Puis, à la Cour Mably, le temps d’une carte blanche, le festival parisien Chéries-Chéris déballera une sélection de courts-métrages LGBTQIA+++ ; qui fera le tour du monde en une poignée d’histoires rebelles et solidaires, mystiques aussi parfois, tantôt au Brésil, tantôt en Belgique, au Gabon ou en Espagne.
Pour poursuivre sur cette lancée, Écran Total se tournera vers une référence méconnue des 90s : le Beautiful Thing d’Hettie MacDonald, idole des Whovians dont il s’agissait alors de la première réalisation. Pièce de théâtre devenue téléfilm, mais dont le retentissement outre-Manche fut si important (et pas seulement dans la communauté gay) que sa diffusion fut bientôt élargie au grand écran, cette belle chose filmique (aujourd’hui présentée en copie neuve restaurée) suit les tribulations adolescentes d’une bande de Londonien.ne.s au cœur d’un été bouleversant, l’alcool, la dèche et les premiers émois amoureux, au son des Mamas & The Papas.
Autres musiques, autres cadres : un animé de space opéra, ascendant French Touch. Vous aurez reconnu derrière cette étiquette Interstella 5555, ce gigantesque film-clip pour l’album Discovery de Daft Punk (unique bande-son du métrage, avec les morceaux joués dans l’ordre, sans temps mort), entrelaçant Phantom of the Paradise et les aventures spatiales d’Albator, que croquait Matsumoto de son trait si longiligne. Le tout précédé d’un DJ-set made in Nova Bordeaux, qui vous fera entrer dans la house (filtrée ou non) et ses dépendances 70s.
Enfin, pour conclure, une ultime visite dans l’ancienne église Saint-Siméon sera de circonstance, pour mirer First Cow, de Kelly Reichardt. Un film qui traverse enfin l’Atlantique pour éclairer les écrans des aventures rocambolesques, dans le Far West, d’un cuisinier fauché et d’un émigré chinois qui s’associent dans une affaire de beignets rémunératrice mais qui les oblige à subtiliser régulièrement le lait de la seule vache du coin, propriété d’un hobereau pas ravi à l’idée que les deux zigues se nourrissent sur le dos de sa bête. En quelque sorte, un envers, pas si anecdotique que ça, de la colonisation américaine – qui remplace les déserts et les tumbleweeds chers au western par des forêts luxuriantes.
Nova Bordeaux ne pouvait passer à côté d’un tel rendez-vous. Aussi, on vous offre des places, notamment pour les soirées et les projections se déroulant à la Cour Mably (attention, pass sanitaire requis). Pour y prétendre, pour tenter votre chance, ça se passe JUSTE ICI (on a mis des majuscules pour que vous ne loupiez pas le lien), en un clic de souris et le mot de passe Nova Aime.