Folk : le premier jackpot !
Avec un énième Dylan, traduit et édité chez Rivage Rouge, le passionné Elijah Wal, nous détaille l’ambiance folk américaine des années 1959-1965, vague musicale qui va frapper l’Europe de plein fouet…
Je crois que ce qui nous a totalement échappé en France, c’est la puissance de ce courant américain de re-exhumation du patrimoine folk (Country, Hillbilly…) car, même après la bombe Rock and Roll, Rockabilly, il restait à la jeunesse américaine à redécouvrir la culture rurale, des pionniers, et leurs caravanes de chansons venant d’un peu partout.
Ensuite viendra le grand come-back du Blues, notamment avec la British Blues explosion des John Mayall et autres Heartbreakers, jusqu’au Stones…
Le folk, le grand truc de l’époque
Mais là, il s’agit vraiment de l’arrivée d’un petit intrus : Robert Zimmerman, qui va d’abord apprendre sa leçon folk, auprès de spécialistes, érudits et collectionneurs du genre qu’il a choisi, le grand truc de l’époque.
Le futur Dylan va piquer la collection de disques d’un pote, histoire d’être bien documenté ! …Ici commence l’histoire truquée d’un garçon à part, pleine de points obscurs, de doute, et de soupçons sur un faux prophète.
Puis ce sera l’imprégnation dans le « village » de New York. Et c’est là que ces évènements nous échappent. Il régnait dans les milieux folk, un snobisme aigu, des principes rigides, des jalousies énormes, des diktats et des clans, que notre Zimmerman Dylan allait mettre à mal.
Je dis cela car Dylan lui-même niera avoir un message, avouera ses doutes et le hasard qu’il mis dans son écriture improvisée… Il a surtout commencé en imitant Woody Guthrie, son super-héros militant, chanteur engagé dans toutes les luttes, grèves et autres rassemblement d’ opprimés.
Puis, épaulé par Pete Seeger, autre grand militant écologique et social avant l’heure, il va gravir les échelons du succès : le Folk régnait en maître aux US en 1960. Son producteur Albert Grossman avait compris qu’avec les disques, la jeunesse allait permettre de faire des fortunes. Début du showbiz musical pour adolescents !
Mais dès 63, la British invasion va engloutir le monde et les US, pleine de riffs et de nervosité, Beatles en tête, et Dylan ne montra aucune intention de vieillir chez les Folkeux, et comme Lightin’ Hopkins et d’autres bluesmen, il s’empara de guitares électriques, au grand dam de la communauté Folk. C’était à Newport en 1965.
Et puis, le Folk électrique
Parfait non-événement, dont son producteur profita pour le vendre de plus belle comme le rénovateur d’un Folk électrique. Bluff classique.
Malgré les protestations, Dylan avait compris qu’il ne voulait pas être prisonnier d’un public aussi obsédé par la tradition et surtout l’authenticité, qui n’était pas sa première qualité ! Il va donc semer tout le monde, y compris sa fiancée Joan Baez, scotchée comme les autres par ce revirement d’un garçon dont on a déduit qu’il ne voulait plus aucune responsabilité dans cette histoire d’engagement… militant ?
« Les temps changent », comme il le chantait, et la course au succès était lancée, de modes musicales en stars chantantes, évènements néo-culturels qui influençaient chaque année un peu plus l’opinion, avec cette idée folle que la musique allait changer le monde (surtout pour les producteurs et éditeurs). Il est bon de connaître l’histoire de cette période étrange de Folk – Protest song, avant le grand tsunami Pop, psychédélique, symphonico progressif, puis le retour du Rock, par le Pub Rock, le Glam, puis le Punk, enfin nettoyé de tous ces déguisements.
En dehors des arnaques à la jeunesse, et des rebondissements médiatiques sur ces crimes de lèse-majesté, organisés autour des trésors Folk, Country etc…C’est bien un bout de la culture américaine qui nous échappe, notamment cette contradiction entre le côté apparemment pur et simple de la Folk musique, mais en réalité une guerre de style, de genre, de manière de faire, qui fait penser au Show business dans ce qu’il a de plus impitoyable…
Bob Dylan électrique : Newport 1965 : du folk au rock, histoire d’un coup d’État, par Elijah Wald, Éditions Rivage Rouge. 365 pages. 23 euros 80.
Visuel : (c) Rivage(s)Rouge