Un Punk chez les Bobos.
Avec Elzo Durt, on doit s’appeler à 16h. On reste une minute au téléphone (après avoir galéré à l’avoir, parce que pas habitués à composer des numéros pour la Belgique). Puis on doit rappeler dans 5 minutes, parce que c’est comme ça. Et finalement, ce n’est plus possible, l’interview ne se fera pas. Et on va pas chercher pourquoi, tentons l’interview par mail. Bingo.
Elzo Durt, c’est ce genre de type, pas à un paradoxe près, qui expose dans l’une des galeries les plus branchées de Paris – Galerie du Jour Agnès B, rue Quincampoix – mais qui n’a toujours pas la possibilité de vivre pleinement de son activité, pourtant parfaitement reconnue dans les milieux underground francophones. Pâte graphique la plus identifiable de Born Bad Records, cofondateur du label Teenage Menopause, ancien D.A. et galeriste, organisateur de soirées où l’on fait consommer du poppers à une foule qui n’en voulait pas à la base, le travail de l’illustrateur bruxellois capte en effet par la force de sa symbolique alambiquée, par son alliage permanent du sacré et de l’hérétique, par la vivacité de ses couleurs dont l’oeuvre globale renvoie à l’idée d’une cathédrale immense et étrange, composée par une multitude de vitraux racontant, chacun à sa manière, sa propre petite histoire.
Elzo, lorsque tu dois résumer l’activité qui est la tienne à un enfant (si tant est que ça arrive parfois), que lui dis-tu exactement ?
Que j’ai la chance de faire que ce qu’il me plaît…c’est-à-dire des images pour des pochettes de disques que j’aime, des planches de skates, des tee-shirts, des autocollants…ce qui leur parle en général ! Je pense que mon travail fonctionne bien sur les enfants et encore plus sur les ados. C’est très coloré et plein de références qu’ils connaissent.
Et lorsque tu dois parler de ce que tu fais à un adulte ?
Je dis la même chose. Mais je parle pas souvent à des adultes.
Peux-tu nous expliquer exactement le processus de création de tes images ?
C’est assez simple, un scanner, un PC puissant, capable de tourner même quand je bosse sur des images gigantesques, et surtout une énorme collection de documents que je vais pouvoir retoucher, déformer, assembler, colorier. C’est du collage assisté par ordinateur…il y a très peu d’effets. L’ordi me permet d’agrandir ou de rétrécir certaines parties. Et puis surtout de revenir en arrière, gommer, effacer. Mon but est qu’on sente le moins possible l’ordinateur.
Tu travailles uniquement sur ordi ? Via Photoshop ?
Oui.
Mais tu sais dessiner quand même ?
Non.
À partir de quel moment est-ce que tu t’es dis : « tiens, ça c’est mon style » ?
Je sais pas, c’est venu tout seul…je pense que c’est mon travail de couleur qui est identifiable.
Pourquoi, d’ailleurs, ces couleurs si vives ?
Parce que ça me semble essentiel de vivre avec plein de couleurs pour vivre heureux.
Est-on encore inspiré par quelqu’un lorsque l’on est parvenu à créer un style aussi singulier ?
Évidemment !!! Plein d’artistes m’inspirent. Et puis il y a tous les artistes qui nourrissent mon travail directement, vu que je scanne des morceaux d’images d’un peu partout (vieilles gravures, BD, comix, vieilles pub, dans l’art optique, vieilles affiches, livres de typographie…)
Lorsque l’on regarde les symboles utilisés dans ton oeuvre, on a l’impression que l’hérétique te fascine autant que le sacré…
Oui et en même temps, j’ai envie de tout mélanger et de tout détourner.
C’est quoi la première pochette de label que tu as réalisée ?
Une pochette pour la première sortie du label Boumcrash…imprimée en sérigraphie, qui se dépliait et formait un grand poster.
Peux-tu nous parler de ton rapport au label Born Bad, dont tu es l’un des illustrateurs référents ?
Maintenant, ça fait presque 10 ans que nous nous sommes rencontrés avec JB (ndlr : Jean-Baptiste Guillot, le fondateur de Born Bad), et que nous bossons ensemble…nous nous connaissons donc bien. Il me fera donc plus travailler sur tel ou tel projet, en fonction de ce qui me correspondrait le mieux. Mais nous sommes surtout heureux de bosser ensemble, car nous nous battons pour les mêmes causes.
Tu as créé en 2011 ton propre label, Teenage Ménopause. Pourtant, tu es loin de te charger de tous les artworks du label…
C’est un choix….je fais déjà beaucoup de pochettes pour d’autres labels ou d’autres artistes. Et surtout, nous avons envie de proposer à d’autres artistes illustrateurs/ graphistes de réaliser des pochettes (si le groupe n’a pas déjà une idée de pochette).
Colors & Glory, le nom de ton exposition actuellement présentée Galerie du Jour, c’est une référence à quoi au juste ?
C’est un jeu de mots à la con !
Pour cette exposition, comment as-tu fait la sélection des oeuvres qui se trouvent exposées ?
Ce sont surtout des boulots récents… et j’ai pas dû trop sélectionner vu la taille de la galerie !
Avant l’expo de la Galerie du Jour, tu avais exposé il y a deux ans Galerie 12 Mail – Red Bull Space. Tu as toujours l’impression d’être dans l’underground ?
Oui…en même temps qu’est-ce que ça veut dire l’underground…J’essaye juste de présenter mon travail le mieux possible. Faut-il être forcément dans une cave ou dans un squat pour être underground ???
Dans ton salon, ou dans ta cave, enfin chez toi, lesquels de tes artworks as-tu affiché ?
Aucun. Enfin si un mais c’est pas pour l’image, c’est surtout pour cacher le trou dans le mur qu’il y a derrière…
Je lisais une interview de toi, en 2014, sur Gonzai, avant ton expo Deus Ex Machina. Tu disais que t’étais chômeur depuis la sortie de ton école de graphisme. C’est toujours le cas ?
Hélas oui…..je suis underground alors ?
Est-ce que tu te verrais, dans un futur proche ou lointain, l’exporter de manière différente, ton univers visuel ? Via un roman graphique, des courts métrages, ou quelque chose qui se détacherait de l’artwork pur et dur ?
Oui, je ne sais pas sous quelle forme, mais je vais pas passer mon temps à faire la même chose.
Elzo Durt – Colors & Glory. Jusqu’au 10 juin, Galerie du Jour – Agnès B – 44 Rue Quincampoix, 75004 Paris. Plus d’infos par ici.
Sur Internet, Elzo Durt est là.
Visuels : (c) Elzo Durt