C’est pas bon signe.
155 interdictions de manifestations (soit une tous les trois jours), 595 interdictions personnelles… Amnesty International s’inquiète pour la France.
Depuis bientôt deux ans, le terme « état d’urgence » a fini par rentrer dans le langage commun. À tel point qu’on en oublierait presque que ces mesures ne seraient pas autorisées si l’on ne vivait pas sous ce régime d’exception.
Régime qui porte de plus en plus mal son nom puisqu’on en est quand même au cinquième renouvellement, dont le dernier est l’une des premières mesures du nouveau président Macron, après l’attentat de Manchester.
« L’État n’a pas été en mesure de prouver que ces interdictions visaient à prévenir une menace spécifique »
Amnesty s’inquiète, donc. En effet, si l’état d’urgence permet de prendre des mesures coercitives immédiates sans l’accord d’un juge, ces mesures sont censées lutter contre le terrorisme.
Premier souci. Les interdictions de manifestation visent des personnes susceptibles de commettre des actes violents. Pas vraiment de lien direct avec la lutte contre le terrorisme tel qu’on le connaît aujourd’hui, et très pratique pour se débarrasser de certains manifestants.
Deuxième souci, « 595 interdictions individuelles de manifester ont été ordonnées par les préfectures en France, sous l’argument de prévenir les violences lors des manifestations, alors que le plus souvent il n’existait que peu ou pas d’éléments démontrant que ces personnes auraient participé à des violences », souligne Amnesty.
Au nom de la lutte contre le terrorisme, des centaines de manifestants sont privés d’un droit fondamental et démocratique. Et, bizarrement, 574 de ces mesures ont été imposées pendant les manifestations contre la Loi Travail.
On se souvient aussi des assignations à résidence de militants écolos pendant la COP21.
Abus de nasse
Parmi les dénonciations d’Amnesty, les pratiques policières abusives, comme la confiscation du matériel médical de première nécessité aux street medics – ces médecins improvisés qui prodiguent les premiers soins aux manifestants blessés. En même temps, le sérum physiologique (constitué, on le rappelle, d’eau salée) représente une sérieuse menace terroriste.
L’ONG dénonce aussi des stratégies de maintien de l’ordre comme « l’usage fréquent et prolongé des nasses. » Une pratique « qui vise à confiner des manifestants pour les empêcher de manifester ou de rejoindre une manifestation, est une atteinte disproportionnée au droit de manifester, en particulier lorsque les personnes »nassées » sont des manifestants pacifiques ».
Parmi les autres observations d’Amnesty, un usage disproportionné et croissant de la force de la part des forces de l’ordre, l’intimidation et la violence envers les journalistes, entre autres bonnes nouvelles. Le rapport de l’ONG est à retrouver en intégralité ici.
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